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Les valeurs en débat

Chroniques | publié le : 06.03.2023 |

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Les valeurs en débat

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Benoît Serre vice-président délégué de l’ANDRH

Depuis plusieurs mois maintenant, le terme « valeur » est au centre des débats. Il est d’ailleurs rassurant de constater que ces débats sur la société et son évolution se concentrent autour d’une expression qui, finalement, renvoie à des fondamentaux de vie en commun. Plus précisément, nous assistons au questionnement sur la valeur travail dont certains pensent qu’elle se perd, d’autres qu’elle reste forte et les derniers qu’elle change de nature. La remise à sa place du travail, juste équilibre entre la nécessité d’avoir une activité et la volonté d’organiser sa vie du mieux possible dans un inévitable champ de contrainte, est à la source de ce débat. Nous savons que la crise sanitaire, en permettant à beaucoup de vivre leur travail différemment sous l’effet des mesures et des protocoles, a paradoxalement permis non d’attendre impatiemment que le retour à la normale s’impose, mais au contraire, conduit certains à s’interroger sur la nécessité de faire advenir une nouvelle réalité. De même, le surgissement dans le quotidien de la crise climatique que chacun a pu constater cet été comme cet hiver a certainement contribué à mettre la valeur de notre environnement – et donc le devoir de le protéger – au centre des préoccupations, notamment de la nouvelle génération, qui, là aussi, et même si c’est plus classique, semble pour partie au moins appeler de ses vœux une nouvelle manière de vivre ensemble – avec une radicalité excessive, quelquefois. Pour autant, le fond est là : notre planète est désormais une valeur à préserver et non une somme de biens à consommer.

Plus prosaïquement, les débats autour du partage de la valeur économique ont donné lieu, d’ailleurs, à une belle leçon positive de dialogue social par l’accord passé entre les partenaires sociaux sur ce sujet. Beaucoup – et même certains négociateurs – avaient parié sur l’échec de la négociation. Et pourtant, un chemin a été trouvé qui fait non seulement avancer ce point central à relier à la valeur travail, mais aussi qui démontre la valeur du dialogue social au point que le gouvernement a dû rapidement s’engager à reprendre in extenso le texte négocié.

Pour autant, valeur travail et partage de la valeur sont intimement reliés par une même logique, car récupérer une partie du fruit de son travail redonne du sens au travail lui-même. Même si cela semble technique ou purement économique, ce texte a de l’importance puisqu’il nourrit positivement la remise en question du lien entre entreprises et salariés qui est au cœur de la transformation du travail. À l’occasion de ce débat, les entreprises déjà engagées dans des logiques de partage, via l’intéressement, la participation ou l’actionnariat salarié, ont commencé à en faire un marqueur de leur marque employeur ou de leur philosophie du lien qui relie leurs salariés avec leur raison d’être ou leur modèle de management.

Les débats sur les retraites, au-delà d’un débat politique parfois consternant, portent aussi sur une valeur : celle du temps. De même, les expérimentations prônées parfois sur la semaine de quatre jours, le télétravail et la liberté des congés renvoient aussi à cette valeur du temps au travail. C’est dans une même logique que le travail est évalué à l’aune d’une vie entière pour lui donner sa bonne place sans négliger les autres dimensions. Là aussi, c’est le champ des valeurs qui est interrogé, avec, pour certains, une exigence d’un droit à vivre en bonne santé après le travail d’une semaine ou d’une vie. La valeur de l’existence se mesure aussi comme cela et la pandémie a mis au premier plan la santé, faisant même porter aux entreprises une responsabilité encore plus forte sur leur capacité à protéger dans le temps celle de leurs collaborateurs. La garantie de bonne santé au travail devient à ce titre une valeur également que les organisations mettent aussi parfois en avant dans leur marque employeur.

À rebours de celles et ceux qui déplorent la disparition de la valeur travail, il vaut mieux opposer le fait que celle que l’on connaissait est réellement en phase de disparition. Elle est remplacée par une vision plus large, plus holistique et finalement plus humaine d’une valeur travail qui prend sa place dans les valeurs de la société sans pour autant la prendre tout entière !