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Spécial agriculture

Mylène Gabaret, directrice de l’Apecita : « Le monde agricole doit s’unir pour mieux communiquer sur ses métiers »

Spécial agriculture | publié le : 25.02.2023 | Aude Bressolier

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Mylène Gabaret, directrice de l’Apecita : « Le monde agricole doit s’unir pour mieux communiquer sur ses métiers »

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L’Apecita (Association pour les cadres, ingénieurs et techniciens de l’agriculture, l’agroalimentaire et l’environnement) a pour mission de favoriser la rencontre des employeurs et des candidats en agriculture. Sa directrice, Mylène Gabaret, analyse le marché de l’emploi agricole et les leviers à actionner pour attirer de nouveaux talents.

Quand on parle d’emploi en agriculture, on pense souvent en premier lieu aux chefs d’exploitation. Mais le secteur offre une palette de métiers bien plus large, n’est-ce pas ?

On estime en effet à 700 000 le nombre d’emplois dans le secteur agricole, répartis sur plus d’une centaine de métiers : ceux en lien direct avec la production, mais aussi ceux de la vente, du conseil, des services, de la recherche et développement, de la banque-assurance… Cette diversité se retrouve aussi bien dans les différentes filières (productions végétales et animales, horticulture, viticulture, agroéquipement, agrofournitures…) que dans les structures qui emploient : de l’exploitation agricole aux grands groupes internationaux en passant par les PME, les coopératives, les chambres d’agriculture… Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ces métiers nécessitent des formations très spécifiques et nous avons la chance, en France, de pouvoir nous appuyer sur l’enseignement agricole, deuxième système éducatif après l’Éducation nationale, qui forme chaque année 235 000 élèves, étudiants et apprentis de la 4e jusqu’au doctorat.

Comment se porte le marché de l’emploi en agriculture ?

Il est très dynamique, en tout cas, en ce qui concerne notre champ de compétences, à savoir les techniciens, cadres et ingénieurs. Dans la production agricole, on observe notamment une augmentation du nombre de postes en lien avec l’encadrement, qui va de pair avec l’agrandissement des exploitations. Elles disposent d’équipes de production toujours plus étoffées qui nécessitent des relais supplémentaires entre le chef d’exploitation et les ouvriers agricoles. De plus, face aux nombreuses contraintes, qu’elles soient réglementaires, environnementales ou climatiques, nous devons repenser nos modèles agricoles, voire développer d’autres cultures et filières. Ces changements requièrent de nouvelles expertises et compétences, ce qui se traduit directement par de la création d’emplois. Pour autant, malgré un marché de l’emploi très actif, certains métiers peinent à recruter, tels que ceux du commerce, de l’agroéquipement, du paysage et de chefs de culture, surtout dans les filières très spécialisées.

Comment expliquer ces tensions sur certains métiers ?

La principale cause reste la méconnaissance des métiers de l’agriculture. Même si les effectifs de l’enseignement agricole tendent à augmenter depuis quelques années, les jeunes sont encore trop peu nombreux à se diriger vers nos métiers. Nous faisons également face à un autre phénomène : le haut niveau d’exigence des candidats. Dans un contexte de baisse du chômage, ils se sentent aujourd’hui en position de force face aux recruteurs et le font savoir. Ils veulent des métiers qui ont du sens, qui leur permettent de se sentir utiles et d’évoluer tout en maintenant un réel équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle. La question du télétravail devient ainsi prépondérante dans les recrutements. On remarque en outre que ce changement de posture n’est pas l’apanage des jeunes générations mais concerne toutes les tranches d’âges.

Comment remédier à cette « crise » des vocations ?

En communiquant ! Plus mais surtout mieux, c’est-à-dire de manière unie. Les filières ont encore trop tendance à privilégier la promotion « en solo ». Or si l’on veut attirer de nouveaux talents, il faut créer un imaginaire général autour de l’agriculture afin qu’ils puissent s’y projeter. Il est aussi indispensable que l’Éducation nationale ouvre ses portes à l’agriculture. Il est encore trop rare qu’un conseiller d’orientation incite un jeune à se diriger vers nos métiers. Il faut tordre le cou aux clichés et parler aux jeunes de l’agriculture dès le collège. D’autant que ces métiers sont parfaitement en phase avec les préoccupations de la jeune génération : l’alimentation, l’environnement, la biodiversité, la lutte contre le changement climatique… S’ils cherchent une activité qui a du sens, s’ils veulent agir en première ligne sur les sujets de société qui les préoccupent tout en œuvrant pour un but essentiel, celui de nourrir les populations, alors, le secteur agricole est sûrement fait pour eux. Il faut enfin encourager les entreprises à ouvrir leurs portes aux jeunes et aux moins jeunes, pour faire connaître leurs métiers. Elles sont idéalement positionnées pour expliquer la réalité du monde agricole – sans oublier de remettre les pendules à l’heure… J’entends encore souvent des personnes qui pensent qu’en agriculture, un salarié ne compte pas ses heures, travaille sans prendre de week-ends ni de vacances. Or le droit du travail s’applique dans nos secteurs comme partout ailleurs !

Vous abordiez le fait que les candidats deviennent de plus en plus exigeants. Quels sont vos conseils pour aider les entreprises à les convaincre de les rejoindre ?

Depuis la crise Covid, les candidats sont de plus en plus sensibles au sens qu’ils donnent à leur métier et aux conditions dans lesquelles ils vont l’exercer. L’offre d’emploi doit donc mettre en avant les valeurs de l’entreprise ainsi que les avantages et les perspectives d’évolution que l’employeur peut offrir. Pour cela, il est essentiel de bien travailler sa marque employeur et de la faire vivre, notamment sur les réseaux sociaux. Les entreprises du secteur agricole ont tardé à valoriser leurs points forts, mais il y a aujourd’hui une vraie prise de conscience. À l’Apecita, nous leur proposons des ateliers et des webinaires pour les aider en ce sens. Le 3 mars prochain, un atelier sera organisé au Salon international de l’agriculture sur la thématique de la marque employeur. Mais le recrutement n’est qu’une première étape et nous les accompagnons également dans l’intégration des nouveaux salariés. Car attention à l’effet boomerang : un candidat déçu par une entreprise ne va pas hésiter à lui faire de la contre-publicité si elle n’a pas été en accord avec l’image qu’elle a voulu projeter. Un autre point qui pèse dans la balance : la rémunération. On entend souvent dire que les salaires sont moins élevés dans le secteur agricole. Sans faire de généralités, cela a certes longtemps été vrai, mais les choses avancent dans le bon sens. Pour preuve, les partenaires sociaux de l’agriculture viennent de dévoiler une nouvelle grille de rémunération des salariés de la production agricole, qui prévoit des augmentations de l’ordre de 3 %. Certaines entreprises nous expliquent qu’elles n’ont tout simplement pas les moyens de proposer des salaires compétitifs. Dans ce cas, nous les encourageons à actionner d’autres leviers, comme la mise en place de plans d’intéressement, la proposition de prise de parts dans la société ou un logement… Autant de pistes qui contribuent à attirer des candidats et surtout, à fidéliser des salariés !

Parcours

Après des études de communication à l’EFAP Lyon et une spécialisation dans la publicité et le marketing, Mylène Gabaret a travaillé pendant trois ans en agence de pub.

• Elle découvre par la suite le monde la formation au sein d’une association du conseil régional d’Île-de-France où elle a pour mission de faire entrer les nouvelles technologies dans les centres de formation d’apprentis.

• En 2003, elle évolue vers le domaine de l’entrepreneuriat en mettant en place un dispositif d’accompagnement pour les créateurs d’entreprises puis comme directrice de la fédération des pépinières d’entreprises d’Île-de-France.

• En 2007, elle prend la tête de l’Anefa, l’association nationale pour l’emploi et la formation en agriculture.

• Depuis juin 2016, elle dirige l’Apecita, une association paritaire qui a pour but de favoriser la rencontre des employeurs et des cadres, ingénieurs et techniciens à la recherche d’un emploi dans les secteurs de l’agriculture, l’agroalimentaire et l’environnement. À travers ses 14 délégations territoriales, réparties sur 18 bureaux, l’Apecita conseille et oriente les candidats dans leurs projets, accompagne les entreprises dans leurs recrutements et propose des formations RH. Elle contribue également à l’insertion professionnelle, en appui aux organismes de formation.

Auteur

  • Aude Bressolier