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Le grand entretien

« Sur le plan participatif, nous avons développé un vrai savoir-faire »

Le grand entretien | publié le : 25.02.2023 | Stéphanie Bot

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« Sur le plan participatif, nous avons développé un vrai savoir-faire »

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InVivo, union de 185 coopératives agricoles françaises, a vu son chiffre d’affaires doubler avec le rachat du négoce Soufflet, en 2021. Désormais, la structure figure parmi les premiers groupes coopératifs européens. Elle compte plus de 14 500 salariés, dont près de 11 000 en France. Sébastien Graff, récemment promu directeur général en charge des ressources humaines, de la communication et des projets stratégiques pour l’ensemble du groupe, détaille sa politique RH et les enjeux d’InVivo dans ce domaine.

Vous êtes à la tête des RH d’InVivo depuis 2008. L’union s’est développée ces dernières années et pèse désormais 12 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Quelle est votre politique RH ?

La fonction RH, comme toutes les fonctions du groupe, est au service du projet d’InVivo qui est déployé depuis 2014 : 2025 by InVivo en 2014, 2030 by InVivo en 2019. Et nous rédigeons actuellement une nouvelle version, qui sera opérationnelle en fin d’année. La politique RH est la retranscription du projet qui repose sur quatre piliers.

Quels sont ces piliers ?

Le premier est l’attractivité en externe et la stabilisation des effectifs en interne. Notre turn-over est de 1,8 % à 2 % des effectifs. Cela apporte du renouvellement et montre la valeur de nos équipes sur le marché. Le deuxième est le partage de la valeur : créer de la valeur pour l’agriculture, pour la coopération agricole et pour le consommateur. En créant de la valeur, nous pouvons en redistribuer sous différentes formes. Très offensifs lors du choc inflationniste lié à la guerre en Ukraine, nous étions les premiers à amener une réponse dans ce contexte. Cette création de valeur nous a permis d’augmenter les salaires : au 1er juillet 2022, près de 9 000 collaborateurs sur les 10 000 que comptait le groupe en France ont bénéficié d’une hausse pouvant atteindre 5,5 % pour les salaires les plus bas. De manière générale, 90 % des collaborateurs France ont bénéficié d’une augmentation annuelle allant de 675 euros à 1 100 euros. Nous avons également envoyé un signal à nos 450 collaborateurs en Ukraine : nous leur avons avancé trois mois de salaire dès les premiers jours de conflit. Nous leur avons également proposé de reloger leurs proches en dehors des zones de combat. Ainsi, 60 familles ont été accueillies hors de l’Ukraine. La richesse créée par InVivo sert donc à amener ces réponses. Nous avons cette logique d’avoir une architecture sociale protectrice et solidaire pour tous les salariés en France et si possible à l’international au niveau de la prévoyance, de la santé et de la retraite. Depuis 2008, j’ai renégocié huit fois la mutuelle, sachant que ce poste représente un budget annuel de 7 millions d’euros.

Le troisième pilier repose sur les relations sociales et le dialogue social. Ce dernier se veut moderne car il s’appuie sur trois dimensions : hiérarchique, représentatif via les syndicats et participatif. À chaque fois que nous engageons un dossier, petit ou grand, positif, comme la réouverture d’une usine de production industrielle de boulangerie, ou négatif, comme la fermeture d’une usine, nous activons ces trois sphères. Les partenaires sociaux sont mobilisés sur la construction du projet stratégique. Sur le plan participatif, InVivo a développé un vrai savoir-faire pour ce qui est de la méthode de conduite des projets : comment faire monter à bord tous les salariés sur les projets ? Par exemple, dans les jardineries, il y avait beaucoup de contenants plastiques non recyclables, comme des jardinières ou des pots. Les salariés ont poussé pour réformer l’offre des contenants dans nos enseignes (NDLR : l’activité jardinerie d’InVivo comprend les enseignes Gamm vert, Jardiland et Delbard). Ainsi, nous avons créé une gamme en plastique recyclé et nous l’avons déployée dans l’ensemble de nos jardineries.

Et le dernier pilier ?

Le quatrième pilier est la contribution au développement stratégique : je n’envisage pas une fonction RH qui ne soit pas au cœur de la transformation stratégique de l’entreprise. La DRH, c’est la tour de contrôle des compétences. Par exemple, au début de la crise Covid, le directeur général, Thierry Blandinières, m’a demandé de produire des masques pour protéger nos collaborateurs et nous avons trouvé les ressources internes pour fabriquer des masques en tissu.

En quoi les conditions de travail chez InVivo vous différencient-elles des autres entreprises ?

Le télétravail est en place chez InVivo depuis 2014. Lors du confinement de 2020, sur le terrain, les jardineries tournaient à plein régime, idem pour l’activité agricole et au siège, tous les collaborateurs étaient en télétravail. C’était l’occasion de mettre en place le télétravail de façon massive et de proposer de passer à 50 % au retour des équipes, post-confinement. Pendant le confinement, nous avons négocié, en visio, avec les partenaires sociaux l’accord NOT (pour Nouvelles Organisations du Travail). Cet accord positionne le télétravail à 50 % ou à 60 % du temps comme norme. Il prévoit également l’organisation des réunions à distance, la journée décalée et le flex office. Nous avons mis en place le bureau virtuel InVivo (BVI) qui transforme l’expérience du travail à distance pour les collaborateurs en télétravail. Grâce au passage au télétravail à 50 %, nous avons restitué la moitié des surfaces de bureau parisiennes. InVivo a ainsi économisé des millions d’euros de loyers qui ont été réorientés en partie sur des indemnités de télétravailleurs et des primes d’installation.

Comment vous assurez-vous du bien-être de vos salariés ?

Nous nous adressons régulièrement aux collaborateurs sous forme de sondage. Depuis la mise en place de l’accord NOT, ils ont été consultés à deux reprises avec des questions comme : « Comment vivez-vous votre nouvelle situation de travail ? », « quels changements sur votre relation hiérarchique ? », « qu’est-ce que cela change dans votre quotidien ? », « souhaitez-vous revenir en arrière ? »… Toujours dans le cadre de l’accord NOT, le groupe InVivo s’est associé à FizYou, un partenaire de prévention santé, pour fournir aux collaborateurs une offre innovante de bien-être physique et de qualité de vie au travail. FizYou propose un programme pédagogique de prévention et santé qui met l’expertise du sport de haut niveau au service de l’entreprise et de ses salariés. Devant le taux d’adoption de la plateforme, le programme, initialement prévu sur 12 mois, a été reconduit sur 2022-2023.

Vous avez racheté Soufflet qui était le premier groupe de négoce agricole français et donc un concurrent historique d’InVivo. Comment se passe l’intégration des équipes ?

Dans le projet d’intégration « Oser ensemble », trois étapes temporelles et trois étapes qualitatives (rassurer, partager, oser) ont été déployées. Quelque 180 éléments ont été détaillés à J+1, à J+100, et à un an, avec une équipe qui suivait le déploiement. Par exemple, l’un des éléments était la fusion des équipes dirigeantes. Initialement, l’approche était très différente, avec 34 cadres dirigeants chez InVivo, et 200 chez Soufflet… Aujourd’hui, la nouvelle équipe est opérationnelle, avec 60 dirigeants. Le message relayé est le suivant : « 1 + 1 égal 3 ». En effet, nous représentons le développement de l’entreprise par la suite de Fibonacci, qui est infinie. Ce message a permis d’embarquer positivement les équipes de Soufflet. Ce rachat est un point d’étape dans notre développement. Nous avons d’autres projets en gestation (NDLR : des discussions sont en cours entre Casino et Teract, alliance entre InVivo Retail et 2MX Organic).

Comment l’égalité femme-homme se manifeste-t-elle au sein du groupe ?

Le milieu agricole est encore peu féminisé, en particulier au niveau de la gouvernance des coopératives, même si des progrès ont été réalisés. À mon arrivée chez InVivo, il n’y avait aucune femme dans le comité de direction sur les 16 directeurs… Désormais, à chaque fois que nous en avons l’occasion, nous nous posons la question. Nous avons largement infléchi notre politique en matière de choix dans la nomination des cadres dirigeants. En 2010, un accord a été signé sur l’égalité et la diversité : nous avons mis en place des systèmes pour encourager la promotion interne, l’égalité des chances, la formation et le contrôle des niveaux de salaires. Le taux de féminisation dans les équipes syndicales est plus fort que la moyenne de l’entreprise. Je suis opposé aux quotas et aux effets de priorité, car sur la durée, cela ne fonctionne pas. Et nous ne rougissons pas de la photo du comex (NDLR : qui compte une seule femme sur neuf membres)…

Parcours

Naissance en 1971 Cet ancien perchiste de haut niveau est titulaire d’un DESS en psychologie du travail.

1996 Rejoint le secteur de la chimie dans les services RH du groupe suisse Sandoz.

2001 Devient directeur des relations sociales de l’usine de montage PSA d’Aulnay-sous-Bois.

2008 Arrivée chez InVivo en tant que DRH.

2014 Intègre le comex d’InVivo et accompagne le directeur général, Thierry Blandinières, dans l’élaboration et la mise en œuvre des plans stratégiques du groupe.

2022 Nommé directeur général en charge des ressources humaines, de la communication et des projets stratégiques pour l’ensemble du groupe InVivo.

Auteur

  • Stéphanie Bot