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Quand dirons-nous « ça suffit ! » ?

Chroniques | publié le : 25.02.2023 |

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Quand dirons-nous « ça suffit ! » ?

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Gilles Gateau directeur général de l’Apec

Toujours perdantes ? Hélas quand il s’agit des femmes et du rapport au travail, la réponse est oui, en dépit de bien lentes améliorations… En premier, il y a le sujet de la rémunération. Les bonnes intentions et les lois ne suffisent pas à renverser une réalité tenace : les femmes restent en moyenne moins rémunérées que les hommes (15 % de moins), car elles ont moins accès aux postes à responsabilité les plus valorisés. Mais ça ne s’arrête pas là : à profil identique, poste égal et responsabilités équivalentes, les femmes continuent de gagner moins que leurs collègues masculins. De l’ordre de 8 % pour les femmes cadres. Pire : autant le premier chiffre d’écart moyen tend à reculer légèrement à mesure que des femmes commencent à percer le plafond de verre, autant le deuxième – qui mesure l’inégalité dans les mêmes jobs, avec les mêmes diplômes – n’a pas reculé depuis… neuf ans ! Quel échec ! Au passage, puisqu’on parle tant de retraites en ce moment, les inégalités de salaires d’aujourd’hui seront les inégalités de pensions de demain…

Mais il n’y a pas que le salaire… À ces inégalités s’en ajoutent d’autres, dont on parle moins, et qui ne sont pas moins graves, car elles renvoient à des questions de société sur lesquelles nous n’avons pas su, ou pas voulu, agir assez fort. D’abord, les inégalités face aux tâches domestiques et l’organisation de la vie de famille. Dans les « couples de cadres » – cela concerne 61 % des femmes cadres, l’homogamie sociale est aussi une réalité –, près de six femmes sur dix disent être en première ligne pour ces tâches familiales. Chez les couples faisant « cohabiter » des catégories socioprofessionnelles différentes, ces tâches apparaissent un peu mieux réparties.

La crise sanitaire a exacerbé ce phénomène de surcharge des femmes, puisque huit femmes cadres sur dix affirment avoir dû, pendant le confinement, « gérer les enfants » – on sait ce qui se cache derrière cet intitulé pudique – contre quatre hommes sur dix. La deuxième inégalité porte sur les nombreuses concessions que les femmes doivent faire, plus que les hommes, pour mener de front vie professionnelle et vie personnelle. Une étude que l’Apec vient de publier l’illustre : 52 % des femmes cadres disent rencontrer des difficultés pour tout concilier, 11 points de plus que leurs homologues masculins. Troisième inégalité : un sentiment de surinvestissement plus marqué chez les femmes cadres. Ainsi, 82 % d’entre elles affirment que les difficultés rencontrées dans la gestion de leur carrière affectent leur état physique et psychologique. C’est neuf points de plus que les hommes. Par ailleurs, 58 % des femmes déclarent avoir ressenti « souvent » ou « occasionnellement » un épuisement professionnel, contre 51 % des hommes. Enfin, la sensation de ne pas pouvoir, du fait d’une charge de travail insurmontable, décrocher le soir et le week-end est plus présente chez les femmes. On en est encore là en 2023 en France ! Désespérant ? Certes, mais surtout révoltant ! Nous sommes toutes et tous – femmes, hommes, DRH, dirigeants, managers, syndicats, pouvoirs publics – devant nos responsabilités et notre « pouvoir d’agir ». Comment l’utilise-t-on pour inverser vraiment – et plus vite – les choses ? Les leviers sont bien identifiés, et dans l’enquête citée plus haut, les femmes – et les hommes aussi – nous disent quel est le « top 3 » des priorités d’action : l’égalité salariale d’abord, le changement de mentalité des dirigeants et managers, et la meilleure conciliation vie pro/vie perso. Autant changer les mentalités prendra encore, hélas, du temps, autant pour les 1re et 3e priorités, les leviers existent et sont largement dans les mains des acteurs de l’entreprise. Des progrès sont possibles et visibles – regardez le télétravail, par exemple, qui aide cette conciliation vie pro/vie perso, même si, là encore, des inégalités se glissent – mais il va falloir faire plus et plus vite ! Pour qu’enfin, bientôt, il n’y ait plus de perdantes dans le monde du travail !