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Emploi : Et si la peur d’échouer était le premier frein à une candidature ?

Tendances | publié le : 20.02.2023 | Gilmar Sequeira Martins

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Emploi : Et si la peur d’échouer était le premier frein à une candidature ?

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Pour expliquer le recul des candidatures, une étude de l’EM Normandie met en avant la crainte des candidats de subir un échec et propose des solutions pour que les DRH infléchissent leur processus de sélection…

Où sont donc passés les candidats ? Les entreprises ne cessent d’investir pour augmenter leur notoriété tout comme leur attractivité et valoriser leur marque employeur. Elles améliorent aussi leurs offres d’emploi en acceptant le télétravail, notamment – mais rien n’y fait… Le nombre de candidats par offre d’emploi continue de baisser dans la plupart des secteurs. Une étude récente d’un acteur du recrutement en ligne* a même établi que le ratio moyen était désormais inférieur à… 1. Concrètement, beaucoup d’entreprises publient des offres d’emploi qui ne suscitent aucune candidature ou si peu que le processus de recrutement est mort-né. Comment en est-on arrivé là ? Une part de la réponse réside dans la crise sanitaire. En imposant une situation inédite de confinement propice à la réflexion, elle a poussé nombre de salariés à s’interroger sur leur rapport à leur activité. Une proportion non négligeable d’entre eux en a profité pour activement se préparer à un autre avenir.

C’est dans le secteur de l’hôtellerie-café-restauration que ce phénomène a pris une ampleur telle que certaines entreprises sont à la peine – d’où l’ouverture de négociations au niveau de la branche, aboutissant à une revalorisation des rémunérations. L’effet sur les candidatures étant trop faible, l’Union des métiers de l’industrie hôtelière (Umih) a dû se résoudre à chercher des candidats à l’étranger et, plus récemment, à soutenir publiquement, par la voix de son président Thierry Marx, la régularisation des travailleurs étrangers sans papiers déjà en activité dans les métiers dits en tension.

D’autres hypothèses mettent en avant la faible adéquation entre les postes proposés dans les annonces et les profils des candidats. Ont ainsi été pointés du doigt le manque d’anticipation du système éducatif et le peu de réactivité des organismes de formations chargés d’assurer l’évolution des compétences. Sur le banc des accusés figurent aussi une dynamique de marché qui aurait porté les exigences des candidats à des niveaux intolérables ou des mutations sociétales qui auraient irrémédiablement sapé la « valeur travail » parmi les jeunes entrant sur le marché de l’emploi…

La théorie du « fit », un peu courte

Comment fonctionne réellement le marché de l’emploi ? Cette question a fait émerger la théorie du « fit ». Elle suppose que le candidat perçoit une « proximité » entre les caractéristiques du poste et ses capacités. Tout irait pour le mieux si cette perception était objective. Or elle ne l’est pas. Les candidats ont tendance à ne retenir que les informations qui confirment l’image idéale qu’ils veulent avoir d’eux-mêmes. Une étude de l’EM Normandie, réalisée par l’équipe de Jean Pralong, de la chaire Compétences, employabilité et décision RH, et rendue publique le 20 février, explore cette nouvelle dimension. Elle constate d’abord que, faute d’accès aux informations leur permettant de mesurer leurs chances de succès, les candidats « ont recours à des estimations et mobilisent des croyances ». Ils établissent ainsi une stratégie qui poursuit un double objectif : maximiser leur chance de réussite et réduire le coût psychologique d’une déception qui viendrait heurter leur estime d’eux-mêmes et écorner l’image idéale qu’ils souhaitent conserver.

Quel critère pourrait donc jouer un rôle clef dans la décision de candidater ? Sachant que la trajectoire professionnelle est une source d’information « majeure » pour les recruteurs mais aussi les candidats, l’étude tente de déterminer « l’influence de la qualité des carrières sur la décision de répondre » à une offre d’emploi. Ce paramètre de « qualité de carrière » a été objectivé à travers quatre dimensions (sécurité socio-économique, éducation et formation, conditions de travail et égalité entre hommes et femmes) et onze variables. Les carrières de « faible qualité » se caractérisent par des parcours hachés, incluant des périodes de chômage, des contrats précaires et plusieurs employeurs. Un panel de 165 comptables généralistes en activité et en recherche d’emploi, présentant des caractéristiques similaires, sauf en termes de carrière, s’est ensuite vu proposer la même offre d’emploi réelle. Près de la moitié (46 %) des candidats ont choisi de ne pas postuler. Le motif le plus avancé (81,1 %) pour expliquer leur choix ? Les chances réelles d’être choisi. Loin devant les missions proposées (37 %), les perspectives d’évolution (36 %) ou les conditions proposées (26,8 %). Selon l’étude, ces résultats viennent battre en brèche la supposition selon laquelle les individus postulent massivement en fonction de l’adéquation de leurs compétences avec le poste proposé. En réalité, ils limitent leurs candidatures à celles qui ont de réelles chances d’aboutir ou, plus précisément, qui ont le plus de chances de franchir les étapes de la sélection par les recruteurs. Les candidats à qualité de carrière « faible » estiment que les recruteurs jugeront leur candidature peu attrayante et préféreront des parcours plus « linéaires ». Ils considèrent donc le processus de sélection comme le principal obstacle pour accéder à un nouvel emploi. Compte tenu du risque d’échec, ils vont limiter leurs tentatives. Ce type de candidat se caractérise aussi par son intérêt pour les conditions d’emploi. Un contrat à durée indéterminée présente à ses yeux un intérêt bien plus fort que la diversité des missions ou les perspectives d’évolution.

Augmenter la perception des chances de succès

Dès lors, comment augmenter le nombre de candidatures ? L’étude considère qu’il faut « augmenter la perception des chances de succès ou, au moins, diminuer la perception du risque », qui se matérialise par une déception portant atteinte à l’estime de soi. Pour le réduire, l’étude propose aux recruteurs de faire évoluer leurs pratiques, dont les postulants ignorent presque toujours tout (lire aussi l’interview de Jean Pralong, pages suivantes). Pour atteindre une objectivité plus grande, elle appelle à « faire converger les représentations vers plus de réalisme ». Elle cite notamment le recours aux outils digitaux d’évaluation comme une ressource permettant de gagner en objectivité tout en permettant aux recruteurs de consacrer plus d’attention à l’expérience que vivent les candidats.

(1) Lire sur notre site info-socialrh.fr : la pénurie de main-d’œuvre s’aggrave https://www.info-socialrh.fr/gestion-de-emploi/recrutement/recrutement-la-penurie-de-main-doeuvre-saggrave-721863.php

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins