Formation, aménagement du temps de travail… L’association Aide à domicile pour tous (ADT) joue sur plusieurs leviers pour favoriser la poursuite de carrière de ses salariées de plus de 40 ans.
Accompagner les carrières des salariés du secteur de l’aide à domicile, qui affiche l’un des taux d’accidentologie les plus élevés et emploie majoritairement des femmes, âgées de plus de 40 ans, une vraie gageure ? En tout cas, une préoccupation quotidienne pour Geoffroy Verdier, directeur de l’association nantaise ADT (Aide à domicile pour tous). Pour relever le défi, il mise avant tout sur un environnement et des conditions de travail propices au bien-être et à la sécurité des 600 salariées de la structure. « L’un des objectifs est qu’elles ne soient pas “cassées” en raison des difficultés du métier. Pendant longtemps, les aides à domicile choisissaient ce métier en deuxième partie de carrière, souvent après avoir élevé leurs enfants, qu’elles aient ou non déjà exercé une activité professionnelle. Mais elles arrivaient rarement à aller jusqu’à la retraite », dit-il. Aujourd’hui, si les nouvelles recrues sont aussi des femmes plus jeunes, « certaines ont déjà des problèmes de santé en entrant dans le métier, par exemple, une douleur à l’épaule, et elles sont déclarées inaptes au travail peu de temps après leur recrutement… », ajoute-t-il. Première mesure pour réduire les risques professionnels et l’accidentologie : des formations régulières et obligatoires dès les premiers pas dans l’association, avec un module sur l’apprentissage des gestes et postures, formations qui représentent « en moyenne trois jours par salarié tous les deux ans ».
Avec des résultats tangibles : « Bien sûr, il y a toujours des arrêts de travail, mais plus pour les mêmes raisons qu’il y a encore trois ans, lorsque la première cause était l’inexpérience et la méconnaissance des gestes techniques », précise Geoffroy Verdier. Au-delà de ce préalable indispensable, des mesures avaient été mises en place en 2012 dans le cadre d’un accord senior, « avec des éléments assez basiques, comme l’organisation d’un entretien de mi-carrière… Mais cela a été l’occasion de se pencher sur les conditions de travail, notamment », ajoute-t-il. En accord avec leurs responsables de secteur, les salariés de plus de 57 ans peuvent demander une réduction de leur temps de travail de 10 % à 15 % environ, mais avec un maintien des cotisations retraite au niveau de leur ancien salaire. Une baisse de rémunération que toutes ne peuvent pas forcément se permettre…
À 64 ans, Martine Granger, elle, a choisi de prendre sa retraite en ce mois de février 2023, après 20 ans de présence chez ADT. Un « faux départ » en fait, pour cette auxiliaire de vie. Elle a en effet souhaité prolonger son activité professionnelle. « J’ai la chance, contrairement à d’autres, de ne pas souffrir de douleurs physiques, explique-t-elle. Dans ce métier, si l’on veut durer, il faut savoir et pouvoir travailler à son rythme, sans trop de pression, ne pas courir partout et tout le temps stresser. » Sa demande de nouveau contrat a été acceptée par la direction et elle a organisé sa nouvelle vie professionnelle avec sa responsable de secteur. « J’ai choisi de travailler 40 heures par semaine, un jour plein et une demi-journée, chez des personnes âgées que je connais bien », explique-t-elle.
« Les salariées qui souhaitent prolonger le font d’abord pour avoir un complément ou augmenter le montant de leur pension », reconnaît Geoffroy Verdier. C’est le cas pour Martine Granger, mais l’ambiance de travail, les réunions d’équipe, les plannings sans « coupure » et le nombre de kilomètres réduits ont également contribué au choix de poursuivre son activité.
Depuis 2018, accompagné par l’Anact (Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail), ADT a mis en place le programme « Libérons nos énergies » qui permet entre autres l’autonomisation des aides à domicile sur leurs plannings et la participation aux prises de décisions. « Cette initiative contribue largement à la durabilité dans l’emploi », assure Geoffroy Verdier. Sans oublier un taux de turn-over de 5 %, soit très faible pour le secteur.
Faire travailler plus longtemps les salariées n’est pourtant pas une fin en soi pour ce professionnel qui regrette que « la pénibilité des métiers ne soit, pour l’heure, pas traitée dans le débat sur la réforme des retraites. Or la retraite ne peut pas s’étudier uniquement du point de vue des cadres, de certains télétravailleurs ou des CSP+ qui pourront se permettre de partir quand ils veulent, avec un taux plein ou non », tonne-t-il.