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RH : de l’ouverture à l’équilibre

Chroniques | publié le : 20.02.2023 |

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RH : de l’ouverture à l’équilibre

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Benoît Serre vice-président délégué de l’ANDRH

Les études se multiplient autour du rapport au travail, des attentes vis-à-vis de l’entreprise, de la crise du recrutement, des aspirations multi-générationnelles et du besoin de raison de faire, d’être et même de rester. Dans cette période inédite de multi-crises doublée de multi-remises en cause, la fonction RH se retrouve dans une position singulière. Très présente pendant le Covid, beaucoup ont parié sur sa capacité à rester ainsi un interlocuteur central – ce questionnement lui-même exprimant un doute. Certes, ses métiers d’origine demeurent, car il faudra toujours bien administrer, former, recruter et reconnaître avec rigueur, équité et cohérence.

Pour autant, et très légitimement, c’est une fonction qui porte désormais la responsabilité non seulement de trouver des réponses mais aussi d’anticiper sur les mouvements de la société du travail, sans pour autant ignorer les réalités des exigences du travail. C’est une position délicate, surtout dans ce moment qui devrait durer et semble signer la fin du chômage de masse.

La guerre des talents a toujours eu lieu, mais on sait qu’aujourd’hui, elle ne concerne pas que les métiers rares, et surtout, elle se joue sur plusieurs critères cumulatifs : la rémunération, la reconnaissance, les conditions de travail, l’organisation du travail, les perspectives de carrière, le modèle de management. Dans un marché d’employés, les règles du jeu changent pour une partie des candidats et, s’il est nécessaire de s’adapter, il est impératif de conserver une équité de traitement – sans quoi nous prenons collectivement le risque de favoriser l’émergence d’un corps social scindé en deux. Nous avons pu en mesurer les effets lors de la crise sanitaire. La fonction RH a encore plus qu’auparavant cette mission de garantir l’équité, voire de l’imposer malgré les inévitables injonctions auxquelles elle sera confrontée.

Ce métier se joue sur le temps long. Acquérir une compétence, transformer un métier, faire évoluer une organisation nécessite une démarche structurée et par nature différée – et donc anticipée. Les tensions sur le marché du travail comme la vitesse des transformations indispensables aux entreprises vont à l’encontre de ce constat d’évidence.

La fonction RH a la responsabilité de réconcilier ces temps-là et elle ne pourra le faire qu’en anticipant, qu’en faisant des paris sur l’avenir et sur les compétences. Elle ne le pourra aussi qu’en étant ouverte sur le monde pour en sentir les tendances, les nouveaux métiers, les implications humaines des innovations. ChatGPT en est un exemple frappant. Notre capacité à comprendre les mouvements de société constitue la meilleure arme pour préparer, au sein même de l’entreprise, les individus à affronter des transformations qui, à défaut, seront ressenties comme violentes ou inatteignables.

Dans le monde actuel du travail, rechercher l’adhésion rationnelle devient insuffisant puisque dans nombre de métiers, c’est l’instabilité qui domine : celle des compétences du métier considéré comme celle des individus qui l’exercent, disposant de tous les moyens, désormais, de le faire ailleurs. Il s’agit là d’un défi considérable pour la fonction RH, car au-delà de trouver les talents, son enjeu est de les fidéliser et de les associer à la raison de se transformer de manière holistique.

L’entreprise est attendue sur tous les fronts en même temps : l’emploi, la reconnaissance, le partage de la valeur, l’éthique, la protection environnementale, la santé, l’innovation managériale, la capacité à donner de la confiance sans omettre la performance, la pérennité, l’inclusion et la solidarité.

Dans cette période de « polycrise », les entreprises sont confrontées à une exigence de « polyréponses » et sont évaluées sur un ensemble de résultats et non uniquement sur celui de la performance. La dimension humaine structure plus fortement que jamais le monde du travail qui, peu à peu, devra passer de « la gestion sociale à l’attention humaine ». C’est le cœur du métier et c’est sur cela que la fonction est attendue. Elle a démontré ses capacités à conduire et fiabiliser les adaptations durant la crise sanitaire et elle doit poursuivre cette excellence dans les transformations immenses qui nous entourent. Les règles du jeu ont changé. La place de la fonction RH a changé à l’occasion de circonstances particulières. Elle doit désormais s’instaurer durablement dans une relation d’équilibre, fondée sur l’anticipation et l’ouverture, le temps de l’humain et celui de la stratégie, la réalité humaine et la contrainte économique !