Comme en humour – on peut rire de tout mais pas avec n’importe qui –, on peut se vêtir comme on veut au bureau mais pas dans n’importe quelle entreprise. Si les principes vestimentaires sont simples, leur application est plus ardue. Émilie Meridjen, associée en droit du travail chez Sekri Valentin Zerrouk, livre son analyse.
Tout d’abord, le salarié jouit, dans l’entreprise, d’une liberté de se vêtir à sa guise. Toutefois, l’employeur peut apporter des restrictions à cette liberté pour répondre à des exigences de sécurité ou à des exigences commerciales : il est notamment possible d’imposer le port de chaussures de sécurité ou de blouses si ces contraintes sont justifiées par les postes de travail. De même, le port d’un bermuda peut être prohibé pour un salarié amené à se déplacer dans des locaux où circulent des clients. Enfin, une agence immobilière peut interdire à ses salariés, en contact avec la clientèle, de porter un survêtement.
J’exerce depuis près de 22 ans et j’ai eu quelques cas à traiter au cours de ma carrière. Le secteur le plus emblématique concernant la sécurité est celui de l’industrie. L’employeur peut sanctionner des salariés qui refuseraient de porter des pantalons renforcés ou des chaussures de sécurité, par exemple, si ces dispositifs sont justifiés par les postes de travail. La sanction peut être disciplinaire. Un autre cas que j’ai eu à traiter est le suivant : dans le commerce de détail, l’employeur imposait un dress code à ses employés, leur demandant de travailler habillés avec un pantalon noir et une chemise blanche. Ces derniers, réticents, ont souhaité être indemnisés pour l’achat de ces vêtements, arguant qu’ils n’en possédaient pas. Or seul un uniforme peut être pris en charge par l’employeur. Dans ce cas précis, les employés n’ont pas eu gain de cause, la question financière n’a pas été retenue. Ils ont été sanctionnés.
L’employeur devra être en mesure de démontrer que les restrictions qu’il entend apporter à la liberté vestimentaire de ses salariés sont bien justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché. C’est souvent là que le dossier se complique et que les notions subjectives, comme le « bon goût » ou l’exigence d’une « tenue correcte », peuvent s’avérer difficiles à sécuriser. Enfin : « Votre tenue est trop couvrante ». Cette dernière remarque peut avoir des interférences avec d’autres activités, comme la pratique religieuse, et venir en opposition avec la liberté de culte. J’ai déjà rencontré cette notion d’appréciation subjective. Au sein d’un cabinet d’avocats, une assistante venait travailler en jogging. Les avocats n’approuvaient pas la tenue et souhaitaient lui demander de se vêtir différemment en le lui formalisant par courrier. Or elle n’accueillait pas les clients du cabinet. C’est une hôtesse qui en avait la charge. S’il n’y a pas une question d’image derrière le vêtement, il n’y a pas d’obligation. J’ai rappelé le droit à mes clients et leur ai recommandé de s’entretenir avec leur assistante et de lui demander gentiment de changer de tenue.
Rappelons que les restrictions doivent être exemptes de toute discrimination : l’interdiction du port d’une boucle d’oreille par un homme, serveur dans un grand restaurant, a ainsi été jugée discriminatoire.
Il risque d’y avoir une nouvelle tendance par rapport à la discrimination. Je pense au phénomène transgenre. Prenons l’exemple d’un homme qui s’habillerait avec des tenues habituellement portées par femmes, qui se maquillerait et qui serait employé au guichet d’une banque, secteur d’activité ultraconventionnel. Je ne sais pas quelle serait la position du patron de la succursale. L’employeur pourrait lui faire une remarque mais ce serait discriminatoire. Ce genre de cas de figure révèle bien souvent des personnalités différentes : certaines, extrêmement conventionnelles et d’autres, progressistes.
N’en déplaise aux codes vestimentaires des chefs d’entreprise élégants, il paraît difficile d’interdire le port des claquettes-chaussettes en dehors d’impératifs de sécurité (risques de glissades, absence de protection des pieds, etc.), ou de considérations commerciales en rapport avec l’image de l’entreprise.