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Santé au travail : La dynamique, en matière de conditions de travail et d’accidents, inquiète

À retenir | publié le : 06.02.2023 | Gilmar Sequeira Martins

Les accidents du travail et les maladies professionnelles vont-ils un jour baisser ? La Cour des comptes constate au contraire une stagnation, voire une progression dans certains secteurs, qui risque de perdurer du fait de la dégradation des conditions de travail.

Depuis une décennie, la santé au travail n’a connu aucune amélioration. Telle est la conclusion du rapport de la Cour des comptes sur les politiques de prévention en santé au travail. Entre le début des années 2010 et 2019, l’indice de fréquence qui mesure le nombre d’accidents déclarés pour 1 000 salariés, n’a pas bougé. Il est passé de 33,2 en 2013 à… 33,5 en 2019. Le rapport note une légère amélioration, temporaire toutefois, de l’indice de gravité des accidents du travail, mesuré par le nombre de reconnaissances d’incapacité permanente (IP) pour 10 000 accidents du travail. Il est en effet passé de 601 en 2013 à 527 en 2019. Depuis, il a recommencé à croître pour s’établir à 583 en 2021, une remontée due aux retards de traitement des dossiers ouverts en 2020. Le rapport note que de nouveaux secteurs (activités de nettoyage, action sociale et intérim) enregistrent une dégradation « préoccupante » puisque l’indice de fréquence des accidents est passé de 44,3 pour 1 000 salariés en 2010 à 52,3 pour 1 000 salariés en 2019. Et le nombre de nouvelles maladies professionnelles reconnues et indemnisées stagne depuis une dizaine d’années (50 000 cas). Le rapport souligne qu’il « existe des situations d’usure professionnelle telles que le maintien dans l’emploi, sur le même poste de travail (ou le cas échéant sur tout autre poste), n’est plus possible, sans pour autant qu’une maladie soit reconnue » et déplore le caractère « lacunaire » des données disponibles, puisque les situations d’aménagements de postes ou les avis d’inaptitude ne sont pas exactement dénombrés. Il relève qu’en 2018, 338 000 salariés avaient bénéficié d’un aménagement de poste et 120 000 avaient été déclarés inaptes, « sans qu’il soit précisé s’il s’agissait de l’inaptitude à un poste de travail ou d’une inaptitude au travail, ni si celle-ci était d’origine professionnelle ». Le rapport déplore en outre que « ce suivi partiel limite la visibilité des acteurs de la prévention ».

Le rapport souligne par ailleurs qu’un trouble musculo-squelettique (TMS), aujourd’hui troisième cause d’invalidité pour le régime général de la Cnam, cause plusieurs arrêts de courte ou moyenne durée, et donc une dépense d’indemnités journalières, avant d’être reconnu comme une maladie professionnelle. Selon une étude de la Cnam de 2017, « les lombalgies prises en charge par la branche maladie [sont] deux fois plus nombreuses que celles prises en charge en AT/MP*, et concernent les mêmes secteurs d’activité » et qu’il en est de même pour les troubles psychosociaux liés pour partie à l’activité professionnelle. Même s’ils sont « minoritaires » dans les dépenses de la branche AT/MP, ils occasionnent des coûts élevés.

Sinistralité « minorée ou sous-estimée »

Le rapport souligne aussi que « la sinistralité pourrait être artificiellement minorée ou sous-estimée », du fait du développement du travail indépendant géré par les plateformes, de la sous-traitance en cascade, à laquelle sont confiées les activités les plus risquées, et de l’absence de mesure des sinistres touchant les salariés détachés, ce qui est d’autant plus dommageable que leur effectif est « en forte augmentation ». Tout progrès implique une amélioration en aval. Or tel n’est pas le cas, constate la Cour des comptes.

Contraintes physiques

S’agissant des conditions de travail, le rapport note que « les expositions aux contraintes et risques physiques demeuraient pratiquement identiques entre 2005 et 2019, plus d’un tiers des salariés étant soumis à au moins trois contraintes physiques ». Cette proportion a même augmenté parmi les employés du commerce et de service et les ouvriers non qualifiés. Certains risques retrouvent ainsi leur niveau de 2005, après une amélioration enregistrée de 2005 à 2013. Parmi les employés de commerce et de service, près d’un tiers respire des fumées et des poussières, travaille au contact de produits dangereux et près de la moitié risque des blessures. Les ouvriers non qualifiés subissent en 2019 les mêmes expositions aux poussières, produits dangereux et blessures qu’en 2005. Selon la Cour des comptes, tous ces éléments montrent « à la fois la stagnation des facteurs de risque professionnels et de la qualité des conditions de travail ».

* AT/MP : branche de la Cnam en charge des arrêts de travail (AT) et des maladies professionnelles (MP).

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins