Ancien responsable du service juridique de la CFDT et actuel directeur de projet expertise stratégie et performance sociale au sein de LHH, cabinet de conseil en RH, ce spécialiste du dialogue social estime que la question de l’emploi des seniors ne trouvera de réponse qu’au sein des bassins d’emploi.
Attention aux perceptions… Cela dit, la structure de rémunération se fait encore effectivement par l’ancienneté. Les seniors sont donc de ce fait plus chers. En outre, dans certains métiers, répétitifs ou pénibles physiquement, mais aussi psychologiquement – je pense à la charge mentale du personnel soignant ou des professeurs des écoles –, ce n’est pas tant la question de la capacité à rester performant qui se pose mais plutôt celle de pouvoir simplement effectuer la tâche définie par le contrat de travail. Et dans tous les cas, même s’il existe des obligations en ce qui concerne la prévention, de même qu’en matière de reclassement, on voit bien que les efforts de prévention ne sont pas assez soutenus d’une part, et que, de l’autre, le reclassement, dans le seul périmètre de l’entreprise, peut s’avérer ardu. D’ailleurs, la question de l’emploi des seniors ne peut pas se résoudre dans le seul cadre d’une entreprise. En outre, du fait du manque de formation et d’acquisition de nouvelles compétences tout au long de la carrière, l’employabilité ou la reconversion des salariés en fin de carrière est difficile, alors que, je le rappelle, les entreprises sont censées pouvoir employer quelqu’un jusqu’à 70 ans. Cela dit, on assiste à des aberrations en matière de mise à l’écart des salariés seniors.
Se priver de salariés compétents et disposant d’une grande expérience professionnelle est clairement un danger pour la compétitivité des entreprises. Par ailleurs, les organisations qui ne prennent pas soin de leurs salariés au point que ces derniers se retrouvent en invalidité voient le coût de la prévoyance augmenter. Enfin, au point de vue macroéconomique, lorsque des entreprises décident d’offrir des incitations pour que les seniors quittent leur emploi ou ne travaillent qu’à temps partiel, ces derniers continuent d’être sous contrat, en attendant l’âge pour bénéficier d’une pension à taux plein et d’une indemnité de départ à la retraite. Ils ne gonflent pas les chiffres du chômage, certes, mais ne sont pas non plus disponibles pour d’autres entreprises ! Et, dernière aberration, le nouvel index senior, proposé par le gouvernement. Il ne concernerait que les salariés de 55 à 64 ans, preuve s’il en est que les autorités ne s’intéressent pas aux plus de 64 ans, alors que dans le même temps, la réforme des retraites en cours prévoit un allongement des durées de cotisations et un report de l’âge légal de la retraite pour une pension à taux plein.
Les solutions passent d’abord par le dialogue social à l’intérieur des entreprises, pour, d’une part, améliorer la prévention et la reconversion, et de l’autre, gérer ce qu’on pourrait appeler l’après-réforme des retraites. Mais au-delà de l’entreprise, des expérimentations doivent être lancées dans des bassins d’emploi, en mettant autour de la table les dirigeants d’entreprises, les syndicats de salariés, les collectivités territoriales, les caisses de retraite…, afin de créer des passerelles entre entreprises pour trouver des postes à des salariés qui ne peuvent plus, pour diverses raisons dont la pénibilité, exercer leur métier initial et fournir ainsi de la main-d’œuvre à d’autres entreprises qui en ont besoin. Le tout assorti d’un fonds public qui prendrait en charge une partie du surcoût des seniors. Certaines expériences, pour faire passer des chauffeurs de poids lourds à des métiers de conducteurs de bus scolaires, par exemple, ont déjà eu lieu. C’est donc possible, mais il faut accélérer le mouvement et l’amplifier.