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Nos jeunes sont-ils gagnés par la flemme ?

Chroniques | publié le : 30.01.2023 |

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Nos jeunes sont-ils gagnés par la flemme ?

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Martin Richer management & RSE

« Grosse fatigue » par ici, « épidémie de flemme » par-là, le cortège des déclinistes du travail s’est mis en marche, jusqu’à contaminer des DRH et des dirigeants, qui entonnent le lamento : « Les jeunes ne veulent plus bosser ». Cette terreur de l’oisiveté juvénile réapparaît périodiquement, mais repose essentiellement sur des stéréotypes éculés, comme le montrent les trois facteurs de l’implication au travail.

1 – L’appétit vis-à-vis du travail

J’ai eu la chance de participer au lancement des Assises du travail, le 2 décembre dernier au Cnam. Plusieurs intervenants ont insisté sur la détérioration du rapport au travail alors que d’autres l’ont relativisé. C’est pourquoi je suggère de s’équiper des recherches et des données qui permettent de dépasser la seule intuition, parfois très anecdotique. Elles montrent qu’effectivement, le travail a perdu sa place identitaire, sans doute pour le grand bien des salariés comme des entreprises, mais cette évolution, accélérée par la crise sanitaire, n’est pas spécifique aux jeunes. Et le travail est toujours ancré au centre des aspirations des jeunes, au même titre que les loisirs, le sport, les amis ou la famille. L’enquête menée par Harris Interactive, « Le coeur des Français », montre que les jeunes font de tous les items consacrés au travail une priorité nettement plus importante que ne le font les plus de 50 ans et l’ensemble des Français.

2 – La place du travail dans la vie

Pour comprendre l’évolution de la place du travail, il faut examiner le contrat social. En 1993, 54 % des actifs considéraient qu’entre ce qu’ils donnaient d’eux-mêmes (temps, compétences, implication…) et ce qu’ils retiraient de leur travail (salaire, reconnaissance…), la balance était équilibrée, contre 25 % qui se percevaient plutôt comme perdants. Aujourd’hui, seuls 39 % estiment que la relation est équilibrée alors que 48 % se jugent perdants, une proportion qui a quasiment doublé en un peu moins de trente ans (enquête Ifop). Si le travail « ne paye plus », dans tous les sens du terme, les DRH et le management doivent s’attacher à reconstruire un contrat social équilibré. L’étude Workforce View réalisée par ADP montre que les jeunes travaillent au détriment de leur famille et de leurs loisirs davantage que les générations plus âgées. Ils font plus d’heures supplémentaires et en particulier plus d’heures non rémunérées. Les plus jeunes sont plus positifs que leurs aînés sur la question de l’ambition, qui est revendiquée par près des deux tiers des moins de 35 ans, contre moins d’un quinquagénaire sur deux.

3 – L’attachement à l’entreprise

Vous savez bien : les jeunes n’aiment pas les entreprises, exploiteuses de gens et pollueuses de planète, et n’attendent d’elles qu’un salaire pour construire leur vie ailleurs. Eh bien c’est faux ! Les jeunes ont une vision plus positive de l’impact des entreprises sur la société : 68 % des 16-24 ans et 66 % des 25-34 ans considèrent que les entreprises ont un impact positif sur la société, contre 59 % seulement pour l’ensemble des salariés (baromètre RSE 2022 du Medef). Quant aux cadres, l’Apec (dont le directeur général tient chronique à la page précédente) s’intéresse dans l’une de ses récentes études à la nature du lien à leur entreprise, en demandant aux cadres de se positionner sur une échelle de 0 (rapport purement contractuel) à 10 (rapport très affectif) : 63 % des cadres en poste de moins de 35 ans donnent une note très élevée (entre 7 et 10), ce qui en fait la classe d’âge qui témoigne le plus d’affection (58 % pour les 35-44 ans et pour les 55 ans et plus ; 56 % pour les 45-54 ans). Gardons-nous des idées reçues et laissons les grincheux marmonner avec Pierre Desproges : « Je ne supportais déjà pas les jeunes quand j’avais leur âge, ce n’est pas maintenant que je vais commencer » !

Pour aller plus loin : « Les jeunes diplômés et l’entreprise : lost in transition » https://managementrse.com/les-jeunes-diplomes-et-lentreprise-lost-in-transition/