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Genre : Une commission du sénat se penche sur la santé des femmes au travail

À retenir | publié le : 30.01.2023 | Lucie Tanneau

Pour préparer son prochain rapport sur la santé des femmes au travail, la délégation aux droits des femmes du Sénat a entendu deux chercheuses, notamment sur les conséquences de l’inactivité pour la santé mentale.

La délégation aux droits des femmes du Sénat se penche cette année sur la santé des femmes au travail. Dans ce cadre, ses membres ont entendu deux chercheuses de l’Institut national d’études démographiques (Ined), jeudi 12 janvier. « Les horaires atypiques de travail chez les femmes sont en augmentation, avec des conséquences sur la qualité de vie et leur santé. », a rappelé en préambule la sénatrice de Vendée (Union Centriste) Annick Billon, présidente de la commission aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. « Les femmes sont aussi de plus en plus sujettes aux accidents du travail et aux troubles musculo-squelettiques, auxquels elles sont deux fois plus exposées que les hommes », a-t-elle poursuivi, rappelant la réforme des retraites en cours.

Auteure de travaux de recherche sur les inégalités sociales de santé et chargée de recherche à l’Ined, Emilie Counil a entamé son propos sur la sous-évaluation de la question des femmes au travail : « Les premières études datent des années 80, les connaissances existent, mais les problématiques des femmes demeurent invisibles », a-t-elle déclaré. En cause notamment, les questions de genre, qui restent un « impensé. » des sciences biomédicales. Ainsi, dans ses travaux de recherche sur le cancer d’origine professionnel, la chercheuse montre que les femmes ont moins accès à des politiques de prévention, mais aussi qu’il leur est plus difficile de faire reconnaître l’origine professionnelle de leur maladie en raison de parcours souvent plus hachés, qui rendent l’indemnisation plus ardue.

Interruption de carrière et santé

Sa collègue, Constance Beaufils, auteure d’une thèse sur l’inactivité professionnelle au cours du parcours de vie (Paris-Saclay et Ined) a quant à elle étudié le lien entre interruptions de carrière des femmes et problèmes de santé, notamment à la retraite. « L’inactivité professionnelle continue de marquer les femmes », a-t-elle assuré. Ainsi, 20 % des mères de trois enfants ou plus sont en inactivité professionnelle (et 40 % quand le dernier a moins de trois ans). Or elle relève que les femmes qui combinent maternité et emploi bénéficient d’une meilleure santé à long terme. « Des politiques qui permettent de diminuer les tensions famille/travail pourraient réduire le risque de vieillissement en mauvaise santé pour certains groupes de femmes », souligne-t-elle. Autre enseignement : ces trappes à inactivité peuvent entraîner des épisodes dépressifs plus tard, et ce, quel que soit leur niveau de qualification. « Des politiques publiques qui favorisent le retour à l’emploi des femmes sont nécessaires », insiste Constance Beaufils. Enfin, alors que « certains événements biographiques, comme des séparations – de plus en plus fréquentes –, mettent en péril l’équilibre des femmes éloignées de l’emploi et donc leur santé, le maintien des femmes en emploi constituerait aussi une politique de santé publique », ajoute la chercheuse, qui relève que l’absence de conjoint à un âge avancé accentue un risque de problèmes de santé mentale pour les femmes qui ont eu des interruptions de carrière. Pour les femmes d’ouvriers, qui connaissent davantage d’accidents de parcours, le risque est encore plus élevé. « L’inactivité débouche sur des inégalités financières qui, elles, débouchent sur une mauvaise santé. », résume Constance Beaufils, en relevant aussi le stigmate qu’est l’inactivité, une nouveauté par rapport aux générations précédentes, pour qui être femme au foyer n’était pas forcément mal vu. Sur cette question des inégalités de genre, Emilie Counil insiste en outre sur la nécessité, au-delà des grandes enquêtes sociodé-mographiques, de statistiques publiques « qui incluent le sexe, la profession et l’histoire migratoire des personnes sur les certificats de décès », afin de pouvoir affiner les études.

Maladies psychiques

Enfin, la reconnaissance des maladies psychiques, qui touchent particulièrement les femmes en maladie professionnelle, a aussi été évoquée comme élément dans la lutte contre les inégalités et pour la santé des femmes au travail. Les sénatrices ont reconnu l’importance d’affiner les données alors que le Covid a modifié les organisations de travail et que le télétravail affecte les hommes et les femmes de façon différenciée. D’autres auditions suivront avant la remise du rapport, courant 2023.

Auteur

  • Lucie Tanneau