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Yvan William : La chronique juridique

Chroniques | publié le : 16.01.2023 | Yvan William

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Yvan William : La chronique juridique

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Réformes : une valse à trois temps

Une valse à trois temps… Qui s’offre encore le temps… Qui s’offre encore le temps… De s’offrir des détours… Pas sûr que la conclusion des débats actuels sur la réforme du marché du travail et des retraites se trouve du côté de l’amour, comme le dit la suite de cette si belle chanson de Jacques Brel. Des détours, en revanche, il y en aura. Il y en a déjà eu. Pour le doyen Carbonnier, « la sociologie juridique est la science qui a pour objet la face juridique des phénomènes sociaux, étant donné que les phénomènes sociaux sont des phénomènes à plusieurs faces. » Comme je le lisais récemment sous la plume d’un confrère, le droit social est sans aucun doute la discipline du droit qui reflète le plus la sociologie juridique d’un pays. Cette nouvelle année le vérifie, une fois de plus.

Marqueurs politiques plus ou moins assumés, ces sujets restituent bien l’état des enjeux, des acteurs et du difficile objectif assigné au droit dans la société française. Les mouvements cycliques d’encadrement ou d’assouplissement du marché du travail et les réformes des retraites rythment le droit social depuis des décennies. Comme une valse à trois temps, cette rentrée remet une nouvelle fois en scène pouvoir politique, partenaires sociaux et société civile sur l’un de nos couplets favoris : faut-il réformer ? Ce chaudron social que certains attendent comme un bon match de la Coupe du monde s’annonce finalement périlleux pour tout le monde.

Du côté du gouvernement, on redoute le mouvement social dur et en même temps, avec une majorité toute relative à l’Assemblée, cette réforme favorise la formation d’une coalition autour de lui. Selon les partis qui voteront la réforme, des conclusions seront tirées par les commentateurs politiques sur l’orientation droitière ou, au contraire, centriste ou gauchiste, révélatrice de la suite du quinquennat. Côté syndical, l’embarras est aussi de mise. Plusieurs organisations syndicales ont beaucoup à perdre selon les positions qu’elles pendront. À commencer par les deux syndicats nationaux. La CFDT devra se positionner par rapport au mouvement social annoncé dès cette semaine et les éventuels compromis qu’elle serait prête à accepter. La CGT, en perte de vitesse lors des derniers scrutins professionnels, est en pleine discussion sur la ligne à suivre alors que son secrétaire général a récemment annoncé qu’il ne se représenterait pas à la tête du syndicat en mars 2023. Les mouvements patronaux ne semblent pas non plus très emballés par ce sujet et son calendrier. On peut le comprendre. Les derniers mois ont été rudes pour les entreprises qu’ils représentent et les sujets à traiter d’urgence s’accumulent. Pour certains dirigeants, il y va de la survie de leur entreprise. Les acteurs économiques sont comme souvent les plus exposés. Perdus dans des réformes qui s’enchaînent voire s’annulent au gré des changements politiques, l’exaspération gronde. Dans ce marigot, il ne faudra pas perdre de vue l’objectif premier des sujets au sens sociologique du terme : en France, les personnes physiques comme morales attendent que le droit les protège, même si tout le monde n’y met pas le même sens.

Les mesures concrètes et efficaces proposées par le gouvernement pour favoriser le maintien en emploi des seniors devront être clairement exposées. Concernant le marché du travail et singulièrement la réforme de l’assurance chômage, le sujet de la modulation des durées d’indemnisation selon le niveau de chômage a donné lieu à la fin de l’année dernière à une cacophonie peu à même de rassurer les Français.

Un projet de décret envoyé aux partenaires sociaux le 23 décembre 2022, en application de la loi réformant le marché du travail en vue du plein-emploi, a fait l’effet d’une bombe. Alors que le taux de diminution de la durée d’indemnisation du chômage jusque-là communiqué était de 25 %, le projet prévoyait de l’augmenter à 40 %. Concrètement, la durée d’indemnisation d’un salarié bénéficiant actuellement de 12 mois d’indemnisation serait passée à 7 mois… Coup de bluff ou passage en force ? Le projet a été retiré mais a tendu des organisations syndicales déjà remontées sur le sujet. Et puis, dernière question structurelle dans toute conduite du changement qui peine à faire consensus : pourquoi réformer ? Espérons que Boileau inspire les futurs débats : « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement… »

Auteur

  • Yvan William