logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Chroniques

Jean Pralong : L’expertise du Lab RH

Chroniques | publié le : 16.01.2023 | Jean Pralong

Image

Jean Pralong : L’expertise du Lab RH

Crédit photo

Stratégies d’embaucheSi les jeunes générations sont censées vouloir avant tout « instrumentaliser » l’entreprise, charge aux DRH de montrer qu’une organisation peut leur offrir une carrière durable – et évolutive.

Les anecdotes sur les prétentions salariales ou les exigences de télétravail brossent des jeunes diplômés actuels le portrait d’une génération capricieuse, consciente de sa valeur et résolue à marchander sa rareté au meilleur prix. Les demandes, notamment les plus maladroites, font s’interroger sur la connaissance de ces jeunes des comportements attendus d’un candidat. Mais elles en cachent d’autres : « Toi qui me recrutes dans cette entreprise dont je ne connais rien, veux-tu vraiment de moi ? Et si je me tire une balle dans le pied en me montrant extravagant, ridicule ou capricieux, si je te montre tout de suite le pire dont je suis capable, voudras-tu toujours de moi ? Enfin, cette entreprise voudra-t-elle encore de moi quand elle aura été fusionnée, disruptée, transformée, filialisée, rebrandée… ? »

La recherche du premier emploi ne se résume pas à l’acquisition des techniques efficaces pour convaincre un recruteur ou pour négocier un salaire. Il s’agit plutôt d’écrire les premières lignes d’une vie professionnelle, celles dont on dit qu’elles conditionnent toutes les suivantes. Cliquer sur « postuler », c’est miser sur l’avenir d’une entreprise, d’un secteur ou d’un territoire particulier. Et, puisque postuler, c’est prendre le risque d’être recruté, chaque CV transmis contient en germe une variante du futur du candidat.

La préoccupation des jeunes diplômés est donc, au-delà de l’accès à l’emploi, la construction d’une stratégie professionnelle. Sa première brique est la formulation de quelques objectifs professionnels individuels. De quoi a-t-on besoin pour les années à venir ? Quelles ressources possède-t-on pour y parvenir ? Et, au contraire, quelles ressources manquent-elles ? De cette petite analyse découle le choix entre trois stratégies possibles.

La stratégie d’emploi vise un accès rapide et facile à une source de revenus. C’est la rapidité qui importe ici, plus que le contenu du poste. Le lien entre les diplômes, les compétences et les missions est secondaire. Les étudiants qui cherchent un emploi aux horaires adaptés pour financer leurs études sont typiques de cette stratégie.

La stratégie d’employabilité concerne ceux qui recherchent un emploi pour y acquérir des compétences et pour, finalement, ajouter une ligne significative à leurs CV. Ceux-là n’imaginent pas rester durablement dans cet emploi : c’est l’anticipation du rebond qui les guide. Ils cherchent donc à acquérir les ressources qui leur permettront de rejoindre un autre poste. Les jeunes diplômés qui débutent dans le conseil ou l’audit sont typiques de cette stratégie. Les entreprises de ces secteurs offrent des conditions de travail exigeantes et de faibles perspectives de carrière, mais c’est un détour apprécié par les recruteurs. Cette stratégie est aussi pertinente pour ceux qui souhaitent valider leur appétence pour un métier ou pour un secteur.

Enfin, la stratégie de carrière concerne ceux qui recherchent une insertion durable dans une même entreprise. L’identification durable à une organisation est un besoin assez général. Il y va de nos besoins identitaires : savoir qui l’on est passe nécessairement par le sentiment d’appartenir à des institutions stables qui permettent de se définir. C’est pourquoi la stratégie de carrière semble plus qu’une option : ce serait plutôt un besoin fondamental. Les deux décennies passées ont vu apparaître beaucoup de discours sur la fin de l’emploi durable et l’intérêt du nomadisme professionnel. Les entreprises d’aujourd’hui, qui peinent à recruter, ont bien compris l’intérêt d’engager durablement leurs salariés. Il est plus simple de faire évoluer des talents que de recruter sans fin. Souhaiter un engagement durable est un discours parfaitement audible par un recruteur.

Choisir clairement l’une de ces stratégies, c’est connaître ses priorités : un développement de compétences rapide, orienté marché externe (stratégie d’employabilité) ou un développement plus lent, via le marché interne (stratégie de carrière). C’est donc pouvoir afficher clairement ses attentes, sans avoir à utiliser des moyens détournés… et sans risquer de se tirer une balle dans le pied.

Auteur

  • Jean Pralong