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Métiers en tension : Decathlon et l’Afpa créent une formation de technicien-vendeur vélos

Sur le terrain | publié le : 09.01.2023 | Lucie Tanneau

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Métiers en tension : Decathlon et l’Afpa créent une formation de technicien-vendeur vélos

Crédit photo

Pour faire face à la pénurie de candidats qualifiés dans ses magasins et ses ateliers de réparation vélos, Decathlon a décidé de créer un centre de formation d’apprentis spécialisé. Une formation imaginée en partenariat avec l’Afpa qui a ouvert en septembre dernier, dans 15 centres Afpa en France. Quelque 146 étudiants espèrent décrocher le titre professionnel avec une perspective d’embauche à l’issue de leur formation de 80 %.

L’enseigne d’articles de sport Decathlon recherche 500 techniciens vélos d’ici à 2026. Un objectif difficile à remplir dans les conditions actuelles, alors que l’entreprise n’est évidemment pas la seule à chercher et que les candidats formés sont peu nombreux. Quelques formations existent bien en France, mais elles sont souvent de courte durée (autour de trois mois), et trop rares par rapport aux besoins, en croissance. De fait, la mobilité change depuis la crise Covid et l’envolée du prix de l’essence. Le « vélo-taffe » gagne du terrain et avec ce mouvement, le besoin de réparations… « Créer une école interne a souvent été évoqué au sein de Decathlon et nous avons de nouveau réfléchi à la question l’an dernier », relève Hélène Lacroix, directrice du centre de formation d’apprentis (CFA) Decathlon.

L’enseigne a en effet décidé d’ouvrir non une école interne, mais un CFA, créé en partenariat avec l’Afpa, qui a remporté l’appel d’offres au niveau national. Depuis septembre dernier, 20 promotions dans 15 centres de formation Afpa, répartis dans toute la France, ont ouvert leurs portes à 146 étudiants, recrutés principalement par Decathlon. À la clé, un diplôme d’État valorisé et reconnu : le titre professionnel « Employé technicien-vendeur en matériel de sport » (certification de niveau 3).

Théorie et pratique

En région Loire-Atlantique, ce sont 13 étudiants qui ont intégré la nouvelle formation. Ils alternent entre les magasins Decathlon de la région et le centre Afpa de Saint-Herblain, en périphérie de Nantes. Parmi eux, Chloé Dureau, 27 ans. Elle est la seule femme de sa promotion nantaise (elles sont sept au niveau national). Auparavant salariée d’une enseigne de bricolage, au rayon jardinage, la jeune femme cherchait un nouveau travail en magasin de sport – sa passion, dit-elle – quand elle a vu l’offre d’apprentissage. « Je ne pensais pas reprendre d’études, mais cette formation est une chance : avoir la technicité permet de mieux vendre et j’espère être embauchée à l’issue de la formation chez Decathlon, où il y a pas mal d’avantages, ça vaut le coup, je crois », déclare Chloé, qui alterne entre le magasin de Cholet, où elle découvre à la fois les rayons et l’atelier, accompagnée d’un tuteur, qui l’épaule dans la montée en compétences, et d’un responsable de stage, pour les besoins autres, notamment administratifs. Une semaine par mois, elle ramène sa caisse à outils (un kit d’une valeur de 900 euros fourni par l’enseigne à ses nouveaux apprentis) à Saint-Herblain, où elle est logée avec ses camarades de promotion dans un appart-hôtel également pris en charge. Attablée en demi-cercle avec ses camarades dans la salle de cours, attentive, elle a enfilé une polaire rouge, bien utile dans l’atelier de réparation qu’ils rejoindront après la partie théorique. Face à eux ce matin dans la salle du centre de formation, deux techniciens professionnels. Yoann Tourette, qui assure déjà la formation d’opérateur cycles pour l’Académie des métiers du vélo et celle de technicien pour l’Afpa (qui a ouvert une formation « maison » depuis juillet 2022), gère la majeure partie des 391 heures de ce CFA Decathlon. Cette semaine, il est rejoint par David Marie, moniteur du Decathlon de Rochefort (Charente-Maritime) qui, explique-t-il, « apporte les spécificités Decathlon sur le matériel et les processus internes ».

La séance est studieuse, les étudiants concentrés. « Quelle méthode utiliseriez-vous pour faire un diagnostic complet d’un vélo ?, demande David Marie, entre autres questions d’un quiz préparé sur diaporama. De haut en bas, par famille de composants ou d’avant en arrière ? » Tous les apprentis n’ont pas la même réponse. « Vous pouvez avoir des techniques différentes. Il n’y a pas une seule méthode, il vous faut trouver la vôtre, répond le formateur. Mais en magasin, vous serez souvent interrompus par des clients. Il faut donc se souvenir de là où l’on en était avant et trouver une méthode qui devienne automatique », poursuit-il.

Des intervenants de qualité

Si le contenu de la formation est encore à peaufiner, les apprentis reconnaissent bien volontiers la qualité des intervenants. « Vous allez sortir de là avec beaucoup de théorie, mais aussi de la pratique. Vous pourrez, demain, apporter vos solutions à vos collègues en magasin », assure ainsi le moniteur de Decathlon. Il estime que ces candidats formés seront précieux à la sortie du CFA. « Aujourd’hui, la demande sur les vélos explose : les ventes, en quantité, ont augmenté de 30 %, mais il n’y a pas 30 % de techniciens en plus », relève-t-il. « Franchement, je me réjouis que cette formation arrive enfin, nous avions un vrai besoin dans les magasins », conclut David Marie.

Après le diaporama, les apprentis rejoignent les vélos qui les attendent dans la salle d’à côté pour les entraînements pratiques. « Les stagiaires sont mieux formés ici que nos salariés en interne, poursuit David Marie. On a le temps, pendant un an, d’apprendre vraiment à réparer un vélo, ce qui n’est pas facile, contrairement à ce que pensent beaucoup de pratiquants amateurs. » Decathlon a fourni une grande partie des vélos pour la formation et les apprentis apprennent donc sur du matériel qu’ils rencontreront pendant leur stage.

Mais la formation n’est pas une formation interne. Le titre professionnel « Employé technicien-vendeur en matériel de sport » leur permettra de rester dans l’enseigne, mais aussi de postuler ailleurs. « Pour nous, cela complète le titre de technicien automobile, que nous dispensons, et répond à un besoin fort, identifié sur le bassin d’emplois », se réjouit Isabelle Delahaye, la directrice du centre Afpa de Saint-Herblain (40 hectares de bâtiments, 70 salariés et 180 apprentis hébergés).

Un avenir tout tracé

Clément Reillon, 24 ans, sort, lui, d’une alternance au magasin Decathlon de Rennes. Il a déjà la tenue bleue et grise aux couleurs de l’enseigne. « J’ai fait un BTS MUC (management des unités commerciales), puis une licence en marketing et un master en entrepreneuriat », raconte le jeune apprenti. Il aurait pu s’arrêter là, mais a décidé de rempiler au CFA Decathlon. « Je suis un passionné de vélo, j’en ai fait huit ans en compétition et j’avais envie de faire quelque chose de mes mains. Je connais les conditions de travail chez Decathlon et cette formation peut me permettre de rester dans le groupe, pour peut-être plus tard devenir référent ou former des collègues en interne », espère-t-il. Entre Angers et Nantes, il juge la formation « vraiment intéressante ». « Les moyens ont été mis sur cet apprentissage », ajoute-t-il, racontant que certains apprentis se sont inscrits à la formation avec le projet de monter leur propre entreprise de réparation de vélo par la suite, mais que les deux jours d’intégration au Btwin (l’une des marques de vélo de Decathlon) Village de Lille, en septembre, en a motivé une grande majorité à rejoindre l’enseigne l’année prochaine. « Quand ils ont vu les conditions de travail et les avantages, on les comprend ! », s’exclame-t-il.

Le profil de ces alternants est varié : ils sont 146, entre 16 et 59 ans. Huit sont en situation de handicap. « L’Afpa est fière d’accompagner Decathlon dans la création de son CFA. Ce partenariat met en évidence notre rôle en tant que partenaire des entreprises pour former aux métiers en tension, et notre mission de service public, qui consiste à former des personnes éloignées de l’emploi comme les personnes en situation de handicap », a déclaré Guillaume Letzgus, directeur du développement Solutions Entreprises à l’Afpa au moment de l’ouverture de la formation.

Les objectifs d’embauche pour Decathlon n’ont pas été fixés. « Cela dépendra des profils et des diplômes, prévient Hélène Lacroix, la directrice du CFA. Ce ne sera pas notre seule source de recrutement, mais cela y contribuera. »

L’objectif, en tout cas, est que la formation soit reconduite dans le temps, selon Decathlon, afin de répondre à la pénurie de compétences liées à l’explosion des nouvelles mobilités urbaines.

Auteur

  • Lucie Tanneau