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2023 L’année du temps

Chroniques | publié le : 09.01.2023 |

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2023 L’année du temps

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Par Benoît Serre vice-président délégué de l’ANDRH

En ce début d’année, s’il est un thème RH et organisation qui semble s’imposer et devoir nourrir les débats de 2023, c’est le temps : celui que l’on consacre au travail et à sa vie personnelle, celui que l’on calcule, que l’on passe à travailler dans une semaine ou le temps d’une vie, celui qui reste à travailler quand on est senior. En effet, par un concours de circonstances assez surprenant, le temps de travail est interrogé partout dans sa forme, sa durée comme son fond et même sa raison d’être. Compte tenu de l’essor désormais sans retour en arrière possible du télétravail, les organisations commencent à intégrer que cette alternative doit être prise en considération de manière systématique, dans les définitions de poste mais aussi dans les offres d’emploi et les refontes organisationnelles. Une entreprise qui se crée aujourd’hui intégrera nécessairement le modèle hybride de manière native. Selon les métiers, ce sera plus ou moins simple, mais dans tous les cas, il faudra s’interroger sur le calcul de ce temps, sans quoi les entreprises vivront sous un risque permanent de remise en cause de la comptabilisation par le salarié lui-même. Mais surtout, au-delà de la nécessaire adaptation de la législation, il est indispensable d’adapter le calcul du temps à la réalité du travail pour accompagner ce mouvement de transformation et non le freiner.

Autre débat temporel qui se fait jour peu à peu : la semaine de quatre jours, bien évidemment séduisante au premier abord. Il faut se questionner sur sa combinaison avec la généralisation du télétravail qui s’inscrit majoritairement à deux jours par semaine actuellement. Le cumul de ces deux évolutions du temps de travail pourrait conduire à des entreprises physiquement présentes deux jours par semaine, ce qui nuira inévitablement à la performance collective mais aussi au corpus même de l’organisation. Les équipes ont besoin de se voir et le management distanciel quasi permanent perturbe le fonctionnement collectif, la transmission des savoirs et la collaboration elle-même. Nous avons en effet pu mesurer au cours de deux dernières années combien la présence physique et le lien humain étaient fondamentaux dans la réalité d’une entreprise. Pour autant, les réflexions et sans doute les attentes sur cette semaine de quatre jours demeurent fortes puisqu’elles sont une traduction supplémentaire de cette demande de liberté d’organisation du travail, donc du temps de chacun – employeur comme employé.

Enfin, le débat sur les retraites va s’ouvrir dans quelques jours, avec la présentation du projet du gouvernement dont nous connaissons les grandes lignes et notamment le prolongement de la vie au travail. Encore un enjeu temporel majeur puisque nous sommes confrontés à un véritable problème structurel de maintien dans l’emploi des seniors. Les pouvoirs publics se sont saisis du sujet mais pour autant, la réforme des retraites risque de ne faire que déplacer le problème sans le régler. Au-delà de cela et des évidentes contraintes économiques du régime par répartition, c’est bien le temps de travail sur une existence qui est mis en question et donc celui qui reste à l’issue d’une vie professionnelle. Là aussi, c’est encore la liberté dans l’organisation de travail de chacun qui est au cœur du débat philosophique et social. La banque des temps proposée par la CFDT vise à apporter un début de réponse à ce souhait de liberté dans la manière de chacun de gérer son travail, à l’instar de ces quelques entreprises – de la nouvelle économie, pour l’essentiel – qui ont supprimé le calcul des droits à congés, encore une fois pour donner de la liberté dans la confiance.

Au travers de ces quelques exemples qui agitent le débat public et la sphère RH, on peut constater que ce n’est pas le travail qui est interrogé mais son fonctionnement, son organisation, sa comptabilisation, sa place dans la vie de chacun. Les questions demeurent sur l’organisation des métiers et l’émergence des nouvelles compétences, mais leurs réponses seront nécessairement passées au crible de cette question du temps comme elles le sont au travers des technologies qui en font gagner beaucoup également. Il est nécessaire que chaque organisation – et donc chaque RH – se saisisse de cette année si particulière afin qu’un véritable débat sur le temps de travail s’ouvre enfin pour que ne soient pas perdues trois années si difficiles pour l’ensemble des individus comme des entreprises. Il semble en effet inconcevable de poursuivre les réformes du marché du travail, dont la retraite, en ignorant que sa place comme sa raison d’être sont interrogées avec une force inégalée depuis plus d’un siècle. C’est un enjeu politique, social et sociétal, mais c’est surtout un enjeu de progrès pour toutes et tous !