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Le management de transition a le vent en poupe

Tendances | publié le : 19.12.2022 | Dominique Perez

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Transformation : Le management de transition a le vent en poupe

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Longtemps marginale en France, la pratique du management de transition semble être en forte croissance. Répondant aux exigences de transformation des entreprises, ce mode d’intervention offre des opportunités d’emploi pour les cadres confirmés.

Le management de transition aurait, selon la fédération France Transition, qui regroupe, avec une trentaine de sociétés membres, environ les deux tiers des acteurs du marché, connu une évolution historique au cours de ces dernières années, avec un doublement du nombre des missions entre 2021 et 2022 (estimées à 4 000 ou 5 000 en 2021). Mise en œuvre d’une réorganisation, remplacement d’un dirigeant, accompagnement d’une nouvelle stratégie… faire appel à des professionnels aguerris externes à l’entreprise pour résoudre un problème ponctuel semble entrer dans les mœurs. « Ils interviennent dans des contextes que l’on peut qualifier “d’urgents et d’importants” », précise Bruno Durand-Tisnès, président de la fédération. Venu du monde anglo-saxon, le management de transition a eu du mal à faire la preuve de son utilité et de son efficacité en France, mais a finalement pris ses marques. La crise sanitaire a été un formidable accélérateur. « Les entreprises qui font appel au management de transition veulent retrouver la croissance et aussi le vivre ensemble, mis à mal ces dernières années, explique ainsi Anne Courtois, vice-présidente du réseau Oudinot, qui regroupe environ 500 cadres et dirigeants expérimentés. Elles ont besoin de remobiliser les équipes et de s’appuyer sur des seniors qui ont une forme de recul, savent faire la part des choses, et des professionnels qui ont déjà eu des expériences de management. Il y a une majorité de DAF et de DRH, mais on voit aussi émerger de plus en plus de demandes pour des fonctions commerciales, marketing, relation client… »

Des managers chevronnés

L’image de l’intervenant externe, qui venait pour « couper des têtes » en cas de fermeture de site ou de réorganisation, a donc évolué. Un élément fondamental pour Éric Suquet, manager de transition au sein de l’EMT (entreprise de management de transition) Cahra, ingénieur et ex-directeur de sites dans des entreprises de packaging. « J’ai découvert, lors de ma rencontre avec le dirigeant de cette société, une autre manière de pratiquer le management de transition, dont je n’avais jusqu’à présent pas une très bonne image », dit-il. Ce temps est-il pour autant révolu ? « Les mises en œuvre de plans sociaux ne représentent plus que 10 % des interventions, répond Bruno Durand-Tisnès, et les missions de remplacement ont crû dans de fortes proportions. Mais le gros des activités concerne l’accompagnement des transformations. » Les entreprises intègrent des managers chevronnés, « souvent surdimensionnés par rapport à la problématique de l’entreprise, qui doivent s’engager pleinement avec les équipes, avec, au-delà de la connaissance et de la mobilisation d’outils, une dimension humaine », poursuit-il. Des missions qui supposent une expérience très solide, spécialisée ou plus diversifiée, nécessitant dans tous les cas une connaissance du management d’équipe, avec des expertises recherchées sur le marché, parfois pointues. Une occasion pour des « seniors » de se remettre en selle, sur un marché de l’emploi classique qui ne leur fait pas de cadeaux. Pour Françoise Baltès, co-animatrice de la commission « management de transition » du réseau Oudinot, qui a quitté sa dernière entreprise à l’âge de 52 ans « pour une question de valeurs », dit-elle, cette voie a représenté plus qu’une porte de sortie. « Je cherchais un poste sur un périmètre très atypique, de service client en B to B, dans le domaine de l’administration des ventes/service client et relations clientèle », précise-t-elle. Pendant 18 mois, elle se lance avec « un grand enthousiasme dans une démarche réseau » afin de retrouver un emploi pérenne. Mais aucun travail salarié ne lui est proposé… « Des membres du réseau m’ont alors suggéré de me lancer dans le management de transition. J’avais de vrais freins et la peur de ne pas avoir le temps de chercher un CDI », confie-t-elle. Elle démarche des entreprises de management de transition, et se voit, au bout de 15 jours, confier sa première mission, en novembre 2021, en plein confinement, à Lille, chez un transporteur public, pour neuf mois. Sa crainte de ne pas se sentir suffisamment engagée, parce qu’externe à l’entreprise, « a disparu en un claquement de doigts. J’ai repris tous mes réflexes… », se félicite-t-elle. Remobilisation de l’équipe de 45 agents, dans sept agences commerciales, avec l’axe relation client et une reprise des projets laissés par l’ex-titulaire du poste. Le succès est au rendez-vous, les propositions s’enchaînent et le CDI n’est plus un objectif pour elle…

Une formation « entre pairs »

Prenant à bras-le-corps des situations de crise et de conduite du changement qu’ils ont souvent déjà vécues, les managers de transition n’éprouvent pas tous, loin de là, le besoin de se former à la fonction. Mais les rencontres et les échanges entre pairs sont quasiment un passage obligé pour se maintenir dans la course, s’initier à la fonction et se tenir au courant du marché, notamment pour les indépendants. « C’est un milieu qui travaille beaucoup en réseau, on donne des noms, même de concurrents, quand on ne peut pas honorer une proposition », relève Françoise Baltès. Éric Suquet, lui, a choisi de s’engager dans un parcours qualifiant après avoir effectué ses premiers pas avec une mission. « Vous arrivez sur des théâtres troublés, dans lesquels vous pouvez facilement vous prendre les pieds dans le tapis », prévient-il. Cahra, son employeur, a mis en place avec Audencia un certificat spécialisé de 18 jours et il a saisi l’occasion de s’outiller. « La plupart du temps, vous avez été salarié toute votre vie, et là, vous devenez en quelque sorte prestataire de services. Vous apprenez notamment l’art de vous vendre, ce qui est important, en particulier pour les indépendants », dit-il. Formaliser une offre, la défendre, comprendre la méthodologie de conduite du changement, et surtout « se positionner dans l’entreprise pour faire émerger le meilleur représente environ la moitié du temps de formation. C’est l’une des clés fondamentales du management de transition », ajoute ce spécialiste. Si cette forme de travail ne convient pas à tous, elle s’impose de plus en plus comme une voie d’inclusion pour des cadres très confirmés en difficulté sur un marché de l’emploi pourtant tendu…

En chiffres (2022)

Quelles missions ?

45 % de « management relais » (remplacements),

28 % en conduite de projet,

16 % gestion du changement.

Quels tarifs ?

1 213 euros par jour HT.

Quels profils ?

72 % d’hommes.

53 % des managers de transition sont âgés de 50 à 59 ans,

19 % ont plus de soixante ans.

Quels secteurs ?

Finance : 22,5 %

Systèmes d’information : 19,5 %

Ressources humaines : 15,9 %

Direction industrielle : 15,7 %

Source : France Transition.

Auteur

  • Dominique Perez