logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Tendances

« Je déconseille de recruter le manager de transition à l’issue de sa mission »

Tendances | publié le : 19.12.2022 | Dominique Perez

Image

Entretien : « Je déconseille de recruter le manager de transition à l’issue de sa mission »

Crédit photo

Karina Sebti, directrice générale de la division management de transition au cabinet de recrutement Robert Walters depuis 2018, en détaille les évolutions.

Pourquoi avez-vous décidé de vous engager pour le management de transition ?

À l’origine, je me suis sentie investie d’une responsabilité sociale. Je rencontrais des hommes et des femmes de plus de cinquante ans, démunis sur un marché de l’emploi qui ne les considéraient pas, des personnes qui perdaient confiance alors qu’elles avaient un parcours riche et une expertise pointue. Cela m’a vraiment interpellée. J’étais, de plus, persuadée qu’il y avait un marché potentiel du management de transition en France. Les entreprises avaient recours à des missions de conseil quand elles avaient une perspective de transformation et de gestion de projet et faisaient appel, à l’époque, à l’intérim pour des postes à faible valeur ajoutée – de comptables, d’administratifs… Je me suis dit qu’entre les deux, il devait bien exister une autre voie, pour des experts confirmés, très opérationnels. Après une étude de marché, j’ai commencé à travailler avec le secteur de la finance, qui avait effectivement besoin de ces profils, et j’ai rencontré des candidats, en leur faisant comprendre qu’ils avaient un savoir-être et un savoir-faire transmissible… Je me suis inspirée également de la Belgique et des Pays-Bas, où Robert Walters avait déjà créé des divisions. J’ai ainsi lancé l’activité en 2002.

Quelles sont les motivations des managers de transition ?

Aujourd’hui, coexistent deux populations. Il y a de « purs managers de transition » qui ont fait ce choix après une réorganisation, une restructuration ou un départ volontaire et qui se disent que cela fait 20 ans ou plus qu’ils sont dans un modèle de CDI. Ils prennent conscience qu’ils ont une expertise à apporter, qu’ils ont envie de continuer à transmettre, à apprendre, à découvrir et à être utiles… Ils créent leurs propres structures et n’arrêtent quasiment jamais d’enchaîner les missions. La deuxième catégorie concerne des personnes en transition professionnelle, qui ressentent souvent une perte de confiance momentanée dans l’entreprise, qui entrent par curiosité dans le management de transition, attirées par la diversité des missions possibles. Elles vont effectuer quelques missions, certaines vont s’y plaire et rester, d’autres vont reprendre confiance dans « le mode CDI » et revenir dans une entreprise. Mais tout le monde ne peut pas faire du management de transition, nous avons un rôle de conseil pour les orienter ou non vers cette voie.

Le management de transition est en forte croissance, cela va-t-il durer ?

Cela avait commencé avant, mais nous avons constaté une forte reprise de la demande après la crise sanitaire, avec des redéploiements de projets qui avaient été stoppés et des missions relais, de remplacement, car le marché du recrutement est très tendu : on prend un manager de transition parce que le poste ne peut pas être laissé vacant. Le premier semestre 2022 a été l’objet d’une forte croissance. On constate une certaine prudence au deuxième semestre, notamment sur le numérique, en partie due aux difficultés des GAFA aux États-Unis, le marché français craignant que l’on ne soit également affecté. Nous restons donc prudents pour 2023. On constate également un certain rajeunissement, avec une arrivée de quadras, notamment dans la fonction RH, le numérique et marketing, qui veulent réorienter leurs carrières. Quant aux femmes, leur nombre tend à croître, mais très légèrement.

Certains managers de transition sont-ils recrutés dans les entreprises à l’issue d’une mission ?

Cela peut arriver, mais je le déconseille à mes clients. On attend d’un manager de transition qu’il ait un recul nécessaire, une approche bienveillante auprès des équipes à qui il dit : « Je ne suis pas là pour vous juger, vous évaluer, j’ai une mission bien déterminée, celle de vous accompagner. » Le savoir-être ne sera pas le même si vous dites d’office au manager de transition qu’à l’issue de la mission il sera recruté, son comportement sera totalement différent. Certains clients ont vécu cette expérience et ont constaté que les équipes ont pu avoir le sentiment d’avoir été flouées et qu’elles peuvent rejeter un professionnel après l’avoir totalement accepté comme manager de transition. Le message doit être très clair des deux côtés, dès le départ. Il ne s’agit pas d’une période d’essai.

Quels sont les secteurs les plus demandés ?

La finance, à 51 %, avec la moitié de missions relais et 28 % de missions liées à une transformation, et en numéro 2, les technologies de l’information, avec 39 % de missions relais et 52 % de missions de transformation.

Auteur

  • Dominique Perez