logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Sur le terrain

Gestion RH : Les patrons canadiens restent vigilants face à l’usage de la marijuana

Sur le terrain | publié le : 19.12.2022 | Ludovic Hirtzmann

Image

Gestion RH : Les patrons canadiens restent vigilants face à l’usage de la marijuana

Crédit photo

Quatre ans après la légalisation du cannabis récréatif, les employeurs craignent toujours des dérives possibles de son utilisation sur les lieux de travail.

« Il n’est pas question que le moindre gramme de drogue, marijuana ou autre, entre dans mon établissement et surtout pas parmi les salariés. Et pour éviter cela, il faut être présent en permanence, tout en expliquant aux collaborateurs comment détecter des comportements suspects », confie ce gérant d’un bar montréalais. Au cœur du Plateau Mont-Royal et d’Outremont, quartiers branchés de Montréal, les effluves de marijuana ne sont pas rares. L’État fédéral a légalisé le pot, comme les Québécois appellent le cannabis, en 2018, afin de mieux le contrôler. Avec succès. Statistique Canada l’assure : 68 % des consommateurs l’ont acheté légalement en 2022. Le Québec, lui, préfère le vendre dans les succursales étatiques de la Société québécoise du cannabis (SQDC). « J’ai toujours consommé du pot depuis mes 20 ans, de temps à autre, lors de soirées en fin de semaine avec des amis. La légalisation n’a pas changé grand-chose pour moi, je l’achète toujours en dehors des voies légales », déclare Matthieu1, avocat dans le secteur de la santé. Mais, assure ce sexagénaire, il n’a jamais consommé de marijuana dans les cabinets d’avocats où il a travaillé. « Les avocats ne consomment pas de pot sur le lieu de travail, mais de la cocaïne – ce n’est pas rare, en effet… », précise-t-il.

Interdit en milieu de travail

La loi canadienne est relativement floue sur la consommation de marijuana sur le lieu de travail. Selon le gouvernement du Québec, « la loi précise qu’un employeur peut, en vertu de son droit de gérance, encadrer l’usage du cannabis, voire l’interdire complètement ». En revanche, si les termes de la loi sont incertains, les tribunaux condamnent toujours les travailleurs qui fument de la marijuana sur leur lieu de travail. Et c’est aussi vrai pour la consommation de produits dérivés – infusions au cannabis, muffins à la marijuana… De même, l’ordonnance d’un médecin prescrivant du cannabis médical ne change rien à l’interdiction de consommer sur le lieu de travail, selon une récente décision du tribunal des droits humains de l’Ontario. Si les juges condamnent les salariés qui fument au travail, en revanche, les patrons n’ont pas le droit de faire passer des tests de détection de cannabis au personnel, sauf en cas d’accident de travail. Les juristes font d’ailleurs remarquer que les résultats d’un test seraient difficiles à interpréter, la marijuana pouvant être détectée jusqu’à cinq jours après avoir été consommée et jusqu’à six semaines chez un grand consommateur. Selon le gouvernement, l’employeur doit mettre en place « des politiques sur la consommation de drogues et sur les facultés affaiblies dans le cadre d’un programme de prévention des risques ». Les experts invitent donc les RH à bien définir la teneur d’un tel programme ainsi que les rôles et responsabilités de chacun. Enfin, pour que cette politique soit efficace, il est primordial d’en rappeler l’existence plusieurs fois dans l’année auprès des employés.

Grogne dans le « pot »

En légalisant la marijuana il y a quatre ans, le gouvernement canadien, bien qu’il s’en défende, avait pour objectif de créer une « économie de la drogue ». Selon le cabinet Deloitte, le secteur du cannabis emploie 151 000 personnes à l’année. Des écoles forment même des spécialistes du pot. Les étudiants y apprennent l’horticulture, le marketing et la botanique appliquée au cannabis. De grosses sociétés, employant plusieurs milliers de personnes, ont émergé, de même que de petits détaillants.

Reste que dans le secteur, tout ne va pas pour le mieux, notamment au Québec. « SQDC veut dire Société québécoise du cheap labor (du travail mal payé) », assure ainsi une affichette placardée sur la façade de l’une des succursales montréalaises de la société d’État. Les fonctionnaires de l’entreprise grognent. Ils sont en grève depuis plus de cinq mois. Embauchés à un salaire de 17 dollars canadiens de l’heure (soit 25 % de plus que le salaire minimum), ils exigent d’être payés au moins 20 dollars de l’heure. Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre généralisée, le taux de chômage n’étant que de 4 % dans la province, ces demandes d’augmentations salariales trouvent étonnamment peu d’écho du côté patronal. Plusieurs succursales n’ouvrent plus que quelques heures par jour. Les cadres remplacent les caissiers. La grève s’enlise, mais les fonctionnaires québécois de la drogue veulent, eux, montrer que leur emploi n’est pas fumeux…

(1) Le prénom a été modifié.

Auteur

  • Ludovic Hirtzmann