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Entretien : « Les process doivent être conçus par ceux qui vont les utiliser »

Le point sur | publié le : 19.12.2022 | Gilmar Sequeira Martins

Politiste, agrégé de sciences économiques et diplômé HEC, François Bottollier-Depois conseille et forme depuis plus de dix ans les entreprises à la stratégie collaborative. Il revient sur l’intérêt de ces démarches dont s’emparent un nombre croissant d’entreprises.

Quel est le rôle des collaborateurs dans l’innovation participative ?

La mise en capacité des personnes est centrale dans cette démarche. Dès qu’elles sont en capacité de comprendre, elles émettent des avis pertinents qui font évoluer les organisations dans le bon sens. Le but de la démarche est que les gens travaillent mieux ensemble et que les décisions, mieux comprises, soient mieux appropriées, voire que certaines personnes puissent participer à la prise de décision. Il sera alors possible de repenser les processus organisationnels pour que les équipes créent une entreprise plus résiliente, capable d’anticiper les modifications de son environnement et qui sera aussi partie prenante de son territoire, car les collaborateurs veulent aussi s’investir sur le terrain pour réduire les problèmes environnementaux et sociaux.

Quels exemples peuvent illustrer vos propos ?

La Mgen a travaillé à la création d’un « tiers-lieu » interne qui a été baptisé la « Récré » avec, pour message sous-jacent, travailler, c’est aussi prendre du plaisir et donc jouer. Cela permet de mener des réunions de façon plus participative. La mutuelle cherchait à résoudre un problème courant dans les entreprises de l’économie sociale et solidaire : la difficulté à faire travailler ensemble élus parmi les adhérents et salariés, qui ont des cultures professionnelles différentes. L’expérimentation, menée de 2016 à 2019, avait pour but d’inventer de nouvelles façons de se former ensemble, de gérer des projets et de résoudre les problèmes des adhérents, notamment. C’est dans ce cadre qu’ont été conçus des outils de codiagnostic et de remédiation pour répondre aux problèmes des adhérents. Cette expérimentation a permis de mettre sur un même niveau les adhérents, les élus et les salariés de la Mgen.

Vous avez aussi mené une opération dans une entreprise multinationale…

Effectivement. Nous avons mené une action dans une multinationale qui a vécu une grande transformation impliquant de forts changements en matière de management. Beaucoup, dans l’entreprise, ne parlaient même pas anglais… Cette société nous a contactés pour traiter la question des seniors. En fait, cette question en cachait une autre, celle des relations inter-générationnelles, sachant que le terme génération ne recouvre pas seulement la notion d’âge. La vraie question était la relation entre la génération d’avant et la génération nouvelle. Nous avons proposé de créer un laboratoire d’innovation sociale. Nous venons d’achever le diagnostic, élaboré à partir d’entretiens et d’ateliers d’appropriation et d’idéation. Nous sommes en phase d’appropriation du diagnostic à travers un atelier d’une demi-journée qui réunit cadres dirigeants et collaborateurs de tous niveaux hiérarchiques. C’est un premier pas pour se mettre d’accord sur ce qui ne va pas. C’est un moment fondamental avant de se demander ce qu’il faut changer.

Quels sont les obstacles majeurs à l’adoption de l’innovation collaborative ?

Les process ne doivent pas être descendants et silotés, mais conçus par les gens qui vont les utiliser, en lien avec les autres services. L’innovation participative est, par définition, une innovation d’usage. L’usage l’emporte sur la solution. Dans cette démarche, il est logique de ne pas choisir une solution avant de bien connaître les besoins, les envies et les contraintes des utilisateurs. Cette triple prise en compte est la clef du succès.

Comment envisagez-vous l’avenir ?

Nous sommes engagés dans un changement culturel qui implique le passage d’un monde technocratique, où c’est le sachant qui décide, à un monde démocratique, où chacun est mis en position de décider. Dans les entreprises, cette démarche ne va pas forcément aboutir à de meilleurs produits ou une meilleure organisation, mais certains problèmes auront été résolus : les relations avec les syndicats seront plus calmes, les salariés plus engagés et la marque employeur plus attractive. Les entreprises commencent à le comprendre. La culture en France n’est pas horizontale ni collaborative, ce n’est pas ce qu’on apprend à l’école. Il faut impulser le changement et l’urgence climatique nous force à adopter des démarches de ce type. Les organisations sont touchées par ce mouvement. C’est un moteur de leur transformation culturelle, qui est aidé par des moteurs plus classiques comme l’inclusion.

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins