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Je t’aime, moi non plus !

Chroniques | publié le : 19.12.2022 |

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Je t’aime, moi non plus !

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Par Gilles Gateau, directeur général de l'Apec

On lit, et on entend, beaucoup de choses sur la relation des cadres à leur entreprise : crise profonde de sens, désengagement, voire grande démission. Et aussi, phénomène plus récent et plus pernicieux : quiet quitting, qui consiste à être là, présent physiquement mais sans l’être vraiment mentalement, faire le strict minimum sans vraiment s’impliquer. Le tableau qui dépeint le moral des cadres est souvent très sombre…

Et si nous noircissions à l’excès ce tableau ? Au point de se tromper sur le véritable engagement de la plupart des cadres…Une récente étude de l’Apec fait réfléchir : elle révèle, à rebours des idées reçues, que dans leur très grande majorité, les cadres sont pleinement engagés et attachés à leur entreprise.

Les chiffres sont édifiants. Côté engagement : 95 % des cadres déclarent être investis dans leur travail et 85 % prêts à se surpasser pour aller au-delà des objectifs qui leur ont été fixés. Pour le sentiment d’appartenance, les résultats sont tout aussi élevés : 82 % des cadres interrogés se disent fiers de faire partie de leur entreprise. Ils n’hésitent d’ailleurs pas à parler de véritables liens affectifs, donc très au-delà de simples liens contractuels. C’est particulièrement vrai dans les petites structures, et pour les managers – 69 % d’entre eux font état d’une relation personnelle nourrie par une adhésion forte aux valeurs revendiquées par l’entreprise à laquelle ils appartiennent.

Encore plus marquant : nombreux sont celles et ceux qui sont partants pour s’impliquer dans la vie de leur entreprise et dépasser les seuls intitulés de leurs fiches de postes. 84 % sont par exemple prêts à dégager du temps pour aider à l’intégration des nouvelles recrues et 79 % à participer à des groupes de travail sur la stratégie ou l’innovation. Ils sont aussi désireux d’être des « ambassadeurs » de l’entreprise : pour en dire du bien et défendre sa réputation (84 %), pour la représenter lors d’événements extérieurs (76 %) et partager ses actualités, notamment sur les réseaux sociaux (65 %). L’employee advocacy a un bel avenir devant lui…

Disons les choses : les cadres aiment leur entreprise et c’est une bonne nouvelle. Mais quand on tend l’oreille, les questions qui fâchent ne sont pas loin : surinvestissement personnel, relation envahissante au point de menacer l’équilibre vie professionnelle/vie personnelle… Quelque 55 % des cadres – plus d’un sur deux, c’est beaucoup ! – ressentent une charge de travail dont il est impossible de venir à bout sans empiéter sur le soir ou le week-end. La conséquence, c’est une recrudescence du stress et un sentiment d’épuisement qui menace la santé, avec le risque d’un détachement voire d’une séparation définitive.

Alors les entreprises doivent entendre et surtout réagir. Et donner en quelque sorte des preuves d’amour… D’abord, dans la gestion de carrière et la rémunération. Les cadres, en contrepartie de leur investissement, demandent des perspectives d’évolution qui leur permettent de se projeter. Ils demandent également, pour 66 % d’entre eux, que leur salaire soit revu à la hausse. Quand on aime, on compte quand même… L’inflation actuelle renforce cette attente. Ensuite, dans la qualité de vie au travail. Les cadres attendent de leur entreprise qu’elle fasse des efforts en matière de bien-être et de santé et aussi de convivialité. Cette dernière attente est d’ailleurs tout particulièrement marquée chez les cadres les plus jeunes.

Toute relation d’amour partagé ne peut déroger à une règle fondamentale : pour qu’elle dure, sans provoquer de souffrance, elle doit être équilibrée. C’est aux entreprises de savoir assurer l’équilibre dans la relation avec leurs cadres, pour l’entretenir dans la durée. C’est sans doute là le vrai sens de la fidélisation, un terme qui doit s’affirmer au cœur des politiques RH.