"On sait que la durée d’indemnisation a un effet sur le retour à l’emploi", déclarait Marc Ferracci, rapporteur de la réforme de l’assurance-chômage, le 3 octobre dernier sur France Info… Le député Renaissance justifie ainsi l’abaissement de la durée maximale des allocations-chômage de 25 % entrant en vigueur au 1er février 2023. Que disent exactement les études auxquelles il se réfère ? La principale est celle de deux économistes françaises exerçant aux États-Unis (à l’université de Pennsylvanie et à la Banque centrale), publiée en 2019, à partir des données de Pôle emploi. Elle montre que "plus les indemnisés se rapprochent de leur fin de droits, plus ils envoient de candidatures" sur le site Internet de Pôle emploi. L’effort de recherche est 51 % plus intense au cours du dernier trimestre d’indemnisation qu’un an auparavant. Les chômeurs en fin de droits qui s’apprêtent à perdre des revenus sont ainsi poussés à trouver une solution rapidement. Mais ces recherches sont orientées vers des emplois moins bien rémunérés. Le salaire mensuel cible diminue d’au moins 2,4 % au cours de l’année précédant l’épuisement des prestations. De plus, ils assouplissent leurs critères sur les horaires et acceptent davantage des postes en CDD ou à mi-temps. "Nous apportons la preuve que les travailleurs bénéficiant d’une assurance-chômage plus généreuse sont plus sélectifs dans leur recherche", concluent-elles. Le discours de ces chercheuses est donc beaucoup plus nuancé que celui de la majorité présidentielle.
Toutefois, une autre étude va davantage dans le sens du Gouvernement : celle de l’Institut des politiques publiques (IPP) de 2013, à partir de données de la période 2000-2002. Elle conclut qu’un allongement des droits de huit mois entraîne un allongement de la durée de chômage de l’ordre de deux mois et demi. Même si l’effet n’est pas proportionnel, les auteurs suggèrent que des allocations-chômage trop généreuses peuvent inciter les allocataires à réduire leur effort de recherche d’emploi, sans améliorer la qualité des emplois recherchés.
L’autre justification pour légitimer la réforme de 2022 est l’imitation d’autres pays industrialisés. Un argument déjà mis en avant par le Conseil d’analyse économique en 2021, qui suggérait d’adapter les conditions d’éligibilité et la durée d’indemnisation à la conjoncture, sur le modèle des États-Unis et du Canada, à l’occasion de la reprise post-Covid. Enfin, le Gouvernement souligne qu’il ne touche pas au montant de l’allocation, mais la précédente réforme entrée en vigueur en octobre 2021 l’avait déjà raboté. Or, une recherche de l’université de Yale d’août 2020, qui s’intéresse à l’effet de l’augmentation substantielle des allocations-chômage durant la crise Covid aux États-Unis, conclut : "Nous ne trouvons aucune preuve que des prestations plus généreuses aient découragé le travail lorsque les entreprises ont cherché à reprendre leurs activités."