Alors que la COP27 vient de s’achever, la prise de conscience des effets du dérèglement climatique n’a jamais été aussi forte. L’Europe vient de vivre l’été, tout comme le mois d’octobre, le plus chaud jamais enregistré dans la zone1. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), créé en 1988 par les Nations unies, a reconnu pour la première fois, lors de la publication de son 6^e rapport2, en mars 2022, l’irréversibilité des impacts négatifs du changement climatique, attribués presque exclusivement à l’activité humaine. Celle-ci se manifeste en particulier à travers la production d’énergie, la fabrication de produits, la production de denrées alimentaires, l’alimentation des bâtiments en énergie, l’utilisation des moyens de transport. Dans le même temps, des mutations profondes et durables viennent rendre les transformations à opérer dans l’activité humaine plus délicates. Cela oblige à revisiter l’agenda stratégique RH pour imaginer de nouvelles solutions aux défis posés.

La première mutation concerne la pénurie générale de main-d’œuvre qualifiée et en particulier pour des activités et fonctions directement liées à la transition climatique. Elle est avérée dans le monde, le nombre de candidats n’étant pas suffisant pour la quantité de postes à pourvoir. Selon une étude de Randstad3, le vieillissement de la population mondiale est une des causes de la pénurie de main-d’œuvre, avec les besoins de remplacement de départs à la retraite record. Ainsi, aux États-Unis, 10 000 personnes par jour atteignent l’âge de la retraite. Dans le monde, d’ici 2030, une personne sur six sera âgée de 65 ans ou plus. Selon une étude de Korn Ferry, à horizon 2030, la demande, en matière d’employés qualifiés, sera supérieure à l’offre et c’est environ 85,2 millions de personnes que les entreprises n’arriveront pas à trouver.

La deuxième mutation concerne le bien-être mental et physique. Selon un rapport de WWF France4, le dérèglement climatique pourrait faire perdre jusqu’à deux mois d’activité sportive aux Français par an, que ce soit du fait des températures ou des effets sur les infrastructures sportives. Sachant que le sport est bénéfique pour la santé mais qu’il est déconseillé au-delà de 32 °C, on peut imaginer les conséquences d’une telle évolution. Sur le front de la santé mentale, la crise sanitaire a eu un rôle de catalyseur5. D’après l’Organisation mondiale de la santé, les troubles mentaux se classent au troisième rang des maladies en termes de prévalence, après les cancers et les problèmes cardio-vasculaires. Le sujet n’est plus tabou. Pour autant, sa prise en compte dans l’environnement de travail reste une gageure.

Dans un contexte de pénurie et de vulnérabilité, les entreprises – et les DRH en particulier – vont devoir remettre au centre de leurs politiques la coopération entre toutes les parties prenantes, qui est au cœur de toute activité économique, et dont le moteur est la confiance. Il s’agit de mobiliser le collectif pour opérer les changements nécessaires dans nos entreprises vis-à-vis du dérèglement climatique. Cela ne pourra se faire que si les dirigeants assurent la cohérence entre leur discours et les actes. On est encore malheureusement loin du compte selon Martin Richer6, chroniqueur régulier dans Entreprise & Carrières, qui souligne que, selon deux études récentes publiées en 2022, les risques environnementaux arrivent en queue des préoccupations des dirigeants, loin derrière les risques sanitaires et le retour de l’inflation. Aux DRH revient le défi de faire remettre la question du dérèglement climatique en haut de l’agenda stratégique, faute de quoi les entreprises risquent de voir des cohortes entières de jeunes diplômé(e)s se détourner d’elles, comme on l’a vu lors des cérémonies de remise de diplômes dans de grandes écoles d’ingénieur et de management en mai et juin 2022.