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De la hiérarchie à l’expertise

Chroniques | publié le : 28.11.2022 |

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De la hiérarchie à l’expertise

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Benoît Serre vice-président délégué de l’ANDRH

Parmi les éléments de transformation du travail – souvent présents avant les différentes crises que nous traversons – se trouvent la recherche d’autonomie, le management par la confiance et finalement, la subsidiarité. Ce n’est en effet pas nouveau, mais ces attentes sont sans doute plus fortes aujourd’hui et en tout cas plus exigées. Le bouleversement des modes de travail n’en est pas la seule cause, puisqu’il faut y ajouter la digitalisation de l’économie et des activités qui a commencé dès le début par un accès général et non filtré à la connaissance et aux savoirs. Il en résulte aujourd’hui une capacité pour chacun de maîtriser des sujets et d’en connaître les notions. Cela crée-t-il pour autant de la compétence et de l’expertise ? C’est moins évident… Pour autant, c’est un élément à prendre en considération pour imaginer le mode de fonctionnement des organisations de demain.

Une autre tendance est apparue pendant la crise sanitaire et notamment les périodes de confinement total ou partiel. Nous avons en effet pu constater que certains managers se révélaient excellents dans ces phases de distance quand d’autres – que nous avions parfois survalorisés – se montraient en difficulté de ne pas avoir « sous l’œil » leurs équipes – comme si la présence physique justifiait leur autorité… Mais il y a eu un autre phénomène lié à cette collaboration distancielle forcée : la nécessité de décider vite, sans les processus habituels de réunions et de validation, et il faut bien le reconnaître, de lenteur. Nous étions dans l’urgence non seulement sanitaire, mais aussi décisionnelle. Sont alors réapparus ceux qui détiennent la compétence, autrement dit, les experts capables d’expliquer, de définir et de proposer l’action dans des temps courts, grâce, justement, à leur maîtrise parfaite des sujets. Alors qu’à juste titre, les organisations se posaient la question de l’efficacité dans une période troublée et de la survie d’un collectif physiquement éclaté, l’expertise montrait toute sa force dès lors qu’elle n’était plus soumise à des process managériaux lourds et finalement parfois sclérosants. Il fallait décider vite, aller au plus direct et dans ce cas, c’est la compétence qui prime sur l’autorité, car nous étions contraints de faire confiance à celui ou celle qui savait.

C’est une réalité qui n’a pas disparu, mais qui va partiellement à l’encontre de nos modèles classiques de management, lesquels valorisent le manager sans faire de même pour l’expert. Certes, être le meilleur dans un domaine ne garantit pas la capacité à le manager, mais être mis en position hiérarchique ne garantit pas plus la légitimité… Malgré cela et pour ne prendre qu’une illustration, nos modèles de rémunération et de reconnaissance sont orientés vers le profil de la fonction managériale, en considérant qu’ayant le pouvoir de décision, il est normal qu’elle en bénéficie. Cela est légitime, mais bien souvent, cela se traduit par une sous-valorisation et un défaut de reconnaissance des experts certes parfois moins visibles ou entendus, mais tout aussi essentiels au bon fonctionnement de l’ensemble. Il n’est d’ailleurs pas rare de constater au sein des organisations que la mobilité professionnelle est d’abord l’apanage des managers quand des experts demeurent longtemps dans leur fonction, parfois, d’ailleurs, de leur propre fait.

Pour autant, c’est bien l’alliance de la compétence et du management qui détermine l’efficacité et la performance. C’est un des talents du manager de savoir reconnaître les expertises présentes dans son équipe et leur donner le bon rôle en admettant que ceux qui savent seront généralement ceux qui exécuteront de la manière la plus pertinente. Malgré cela, le niveau de reconnaissance de ces personnes est souvent insuffisant.

Enfin, nous observons depuis quelque temps une tendance à la dé-hiérarchisation des organisations pour laisser plus de place à l’initiative, à la confiance et à l’innovation. C’est un mouvement positif car il allège les procédures comme le reporting, mais surtout permet à chacun d’exprimer plus aisément ses idées et d’exploiter au mieux ses compétences.Trouver ce nouvel équilibre entre la hiérarchie et la subsidiarité est probablement l’un des enjeux centraux du nouveau management. Cela passe nécessairement par la reconnaissance à parts égales du manager et de l’expert. Cela passe aussi par une approche des parcours de carrière qui favorise la capacité de chacun à jouer alternativement les deux rôles pour que l’organisation dispose de managers compétents et d’experts inspirants !