logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Tendances

Le gouvernement place le travail au cœur du débat sur l’immigration

Tendances | publié le : 21.11.2022 | Natasha Laporte

Parmi les éléments phares du projet de loi sur « l’asile et l’immigration », qui devrait être présenté prochainement, figure la création d’un titre de séjour pour les « métiers en tension ». Son objectif, notamment : favoriser la régularisation des étrangers sans-papiers qui travaillent déjà sur le sol français et lutter contre leur exploitation. Une mesure, soutenue par le patronat, qui intervient dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre dans de nombreux secteurs.

À l’heure de la reprise post-Covid, la problématique des métiers en tension est revenue en force. Et elle s’invite aujourd’hui dans le cadre, notamment, du projet de loi « sur l’asile et l’immigration » qui devrait être examiné en premier lieu au Sénat en janvier 2023. Parmi les mesures phares, annoncées début novembre par les ministres du Travail et de l’Intérieur, Olivier Dussopt et Gérald Darmanin, dans un entretien au Monde : celle concernant la création d’un titre de séjour spécifique pour les « métiers en tension », afin de régulariser la situation des immigrés sans titre de séjour en bonne et due forme et qui travaillent déjà sur le sol français dans des secteurs en pénurie de main-d’œuvre. Si les détails, pour l’heure, restent flous, les ministres ont évoqué en particulier l’élargissement de la liste des métiers en tension. Comportant à ce jour une trentaine de métiers et déclinée régionalement, cette liste, qui permet de recruter des étrangers hors Union européenne sans avoir à déposer d’offre à Pôle emploi, devrait ainsi être révisée prochainement.

Le patronat acquiesce. « Nous nous retrouvons parfois dans des situations où nous avons de bons salariés, motivés et compétents, qui ont envie de travailler et qui se retrouvent en situation compliquée dès le départ, avec des documents pas tout à fait justes, ou en cours de mission, parce qu’ils changent de statut », indique Éric Chevée, vice-président de la CPME en charge des affaires sociales. Exemple, un jeune étranger en apprentissage qui, à 18 ans, se retrouve en situation irrégulière ou un salarié dont on découvre qu’il a les papiers d’un autre… « L’idée de fluidifier la démarche pour les chefs d’entreprise de bonne foi, qui ont envie de faciliter l’intégration et la régularisation d’un bon salarié, est très utile pour nous. Dans une situation de métiers en tension, c’est d’autant plus important », ajoute-t-il.

Services à la personne, bâtiment, hôtellerie-restauration… sont en première ligne. « Notre organisation patronale est favorable à l’étude de ce titre de séjour. Mais nous ne demandons pas la régularisation de tous les sans-papiers. Nous demandons à ce que les personnes travaillant avec des documents valides d’une autre personne – ce que l’on appelle un alias – puissent être régularisées puisqu’elles sont déjà salariées de l’entreprise », note pour sa part Vincent Sitz, président de la commission emploi-formation du Groupement national des indépendants hôtellerie-restauration (GNI). Les raisons ? « Ce sont des personnes qui, travaillant déjà pour nos entreprises, connaissent le métier », poursuit-il. Et les régulariser leur permettrait « de progresser et de monter en compétences dans nos métiers, en laissant par ailleurs la place à d’autres pour pouvoir justement entrer dans le secteur ». Il rappelle par ailleurs que le secteur qu’il représente ne figure pas encore sur la liste des métiers en tension…

Attention toutefois. « Quid du jour où la totalité de nos métiers ne seront pas reconnus comme étant en tension ? », s’inquiète-t-il. Que risque-t-il de se passer pour les personnes qui pourraient ainsi se retrouver avec un titre de séjour qu’elles ne pourront plus renouveler ? Une épée de Damoclès, en quelque sorte…

Vers une immigration qualifiée ?

Autant dire que les contours de la future loi restent encore largement à préciser. Mais elle « va dans le bon sens, estime également Emmanuelle Auriol, professeure à la Toulouse School of Economics et co-auteure du rapport, de novembre 2021, « L’immigration qualifiée : un visa pour la croissance », pour le Conseil d’analyse économique, parce qu’elle montre que l’immigration économique n’est pas un tabou et qu’elle remet de l’ordre. » D’autant que la pénurie de main-d’œuvre nuit à l’activité économique et que certaines entreprises, qui exploitent les travailleurs sans-papiers, imposent ainsi une concurrence déloyale aux chefs d’entreprise vertueux. Plus généralement, au-delà de cette proposition de loi, l’économiste estime qu’il est temps de « changer le logiciel de la France pour renouer avec l’immigration, notamment qualifiée, bénéfique pour tous » et vecteur de croissance. Et de rappeler qu’outre-Atlantique, par exemple, les immigrés sont sur-représentés parmi les créateurs d’entreprise et nécessaires à l’innovation…

Sur ce sujet, le patronat, en revanche, préfère rester sur sa réserve… « Nous n’avons pas de position particulière sur l’immigration économique, indique ainsi Éric Chevée. C’est un débat sociétal. » La balle est donc dans le camp du gouvernement…

Auteur

  • Natasha Laporte