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Pourquoi les Français n’aiment plus leur travail

Les clés | À lire | publié le : 21.11.2022 | Irène Lopez

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Pourquoi les Français n’aiment plus leur travail

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Perte de sens, manque de reconnaissance, risques psychosociaux : le monde du travail en France continue de souffrir… Dans Le grand déclassement, l’économiste et sociologue Philippe d’Iribarne explique pourquoi les Français éprouvent tant de malaise face au travail. Selon lui, les raisons sont à chercher dans l’Histoire et la culture de l’Hexagone.

Pour Philippe d’Iribarne, le sentiment de dégradation du sens du travail trouve en grande partie sa source dans le fonctionnement des entreprises, l’évolution des modes de délégation et de contrôle ainsi que le poids des procédures et de la bureaucratie… Dans son livre Le grand déclassement, il s’intéresse tout d’abord au niveau d’insertion professionnelle. L’intensité du déclassement dépend du type de diplôme obtenu. Ainsi, les jeunes entrant sur le marché du travail avec leur seule licence générale en poche sont plus nombreux à occuper des emplois d’employés ou d’ouvriers que les licenciés professionnels. Le métier exercé ne correspond pas à leur « rang scolaire ». Côté management, la nouvelle posture du manager, d’inspiration américaine, portée par les consultants et les établissements d’enseignement, s’est répandue. On ne lui demande plus de connaître le métier de ceux qu’il dirige, de les aider à résoudre les problèmes et de leur transmettre son savoir. Au contraire, son rôle est désormais de fixer à ses subordonnés des objectifs aussi précis et quantifiables que possible et d’évaluer leur travail en fonction du degré de réalisation de ces objectifs. Bienvenue dans l’ère du reporting, qui éloigne les managers de la prise en charge de problèmes concrets. « Ainsi voit-on la marge d’autonomie des directeurs d’agence bancaire dramatiquement réduite au profit d’algorithmes, conçus et gérés par les services du siège, qui régissent les rapports aux clients : acceptation ou non d’un prêt, parfois refus de conserver un client de longue date et en qui ces directeurs locaux, qui le connaissent, ont toute confiance », écrit-il. Enfin, la logique bureaucratique contre la logique de métier complète les explications quant au désenchantement des salariés français. Dans l’Hexagone, il y a un conflit permanent entre des responsables administratifs chargés d’imposer le respect de règles et de procédures et les professionnels experts dans leur domaine, qui perçoivent ces règles comme inadaptées et voient ces administratifs comme des bureaucrates méritant peu de considération. Pour Philippe d’Iribarne (dont l’ouvrage a pour fil rouge l’héritage de la Révolution et de l’Ancien Régime) : « Nous sommes ici dans le prolongement d’une situation d’Ancien Régime où les nobles méprisaient fort l’administration proprement dite. » Aujourd’hui, les rapports entre d’un côté l’administration sanitaire et les directeurs d’hôpitaux, de l’autre, les médecins-chefs de service, fournissent un bon cas d’école, avance-t-il. Le sociologue conclut sa thèse en suggérant (trop peu) de solutions. Parmi elles, l’émergence du modèle de l’entreprise agile qui a conduit « à alléger le poids de la bureaucratie et du contrôle pour laisser une plus grande marge de manœuvre à ceux qui sont près de l’action », et le télétravail, source d’autonomie des salariés.

Auteur

  • Irène Lopez