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Inclusion : Les entreprises ont encore du mal à s’adapter au handicap

Le point sur | publié le : 21.11.2022 | Nathalie Tissot

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Inclusion : Les entreprises ont encore du mal à s’adapter au handicap

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Malgré une mobilisation accrue des employeurs, l’accessibilité des espaces et des postes de travail reste à améliorer. Quant à l’objectif de plein-emploi, il est encore loin…

« Les personnes en situation de handicap doivent pouvoir avoir un parcours professionnel comme tout citoyen, c’est absolument essentiel », insistait Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des Personnes handicapées lors de la présentation du thème choisi cette année – « À quand le plein-emploi pour les personnes handicapées ? » – pour la Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées (SEEPH), du 14 au 22 novembre. De fait, malgré une baisse, à 14 % en 2022, du taux de chômage des personnes en situation de handicap, ce niveau reste deux fois plus élevé que la moyenne nationale. Et pour tendre vers l’objectif ambitieux de plein-emploi, encore faut-il que l’environnement et les postes de travail soient adaptés.

À cet égard, plusieurs associations demandent une évolution de la législation, notamment sur l’accessibilité des bâtiments à usage professionnel. « Pour le neuf, nous avons un arrêté, qui date de 1994, prévoyant des prescriptions insatisfaisantes », dénonce Nicolas Mérille, conseiller national Accessibilité, conception universelle et qualité d’usage, au sein d’APF France handicap. Ainsi, il ne prévoit pas un espace de 1,50 m dans les toilettes pour qu’une personne en fauteuil roulant puisse faire demi-tour… Un nouvel arrêté pourrait, dès l’été 2023, renforcer les obligations existantes. « Nous avons demandé que toutes les aides de l’État pour les travaux énergétiques soient conditionnées à la prise en compte de l’accessibilité », indique-t-il.

Postes de travail adaptés

Au-delà de l’accessibilité des locaux, l’enjeu est aussi de mieux adapter les postes de travail par des aménagements techniques (logiciels spécifiques, outils de compensation…) ou organisationnels. Ce sont les plus courants au sein du groupe Elior – qui compte 6,8 % de travailleurs en situation de handicap (au-delà, donc, de l’obligation légale de 6 %) – sur la partie restauration collective en France. Chariots, réorganisation des espaces, tapis anti-fatigue, sièges assis-debout… L’ergonome qui réalise une étude de poste en cas de restriction d’aptitude émise par le médecin du travail peut proposer différentes adaptations. De plus, depuis 2016, deux salariés de l’entreprise sont chargés du maintien dans l’emploi et aident les managers et les responsables des ressources humaines à trouver des solutions en cas de besoin. « À Lille, nous avons accompagné un collaborateur qui avait des difficultés lombaires. La cuisine a été totalement aménagée, du matériel a été acheté et il a pu bénéficier d’un exosquelette, le premier mis en place dans le milieu de la restauration collective », se félicite Fyntha Parant, responsable de la diversité et égalité des chances chez Elior France. Elle précise en outre que le groupe a été soutenu par l’association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph).

Comme Elior, depuis 2019, plus de 46 500 entreprises ont obtenu des financements de l’Agefiph au titre de l’aménagement des situations de travail (AST). Sur l’année 2022, déjà plus de 12 600 dossiers ont été financés. La quasi-totalité des demandes (93 %) comprenaient au moins un volet technique pouvant être assorti d’un volet humain (7,4 %) et/ou d’un volet organisationnel (3,8 %). Par ailleurs, l’Agefiph reçoit plus de 2 000 demandes par an de reconnaissance de lourdeur du handicap (RLH), qui permet le versement d’une aide à l’emploi des travailleurs handicapés (par rapport à un surcoût lié à l’embauche : baisse de productivité, besoin d’un tutorat permanent…) lorsqu’une entreprise a effectué les aménagements de poste nécessaires. Les TPE représentent plus de la moitié (52 %) des structures qui mobilisent cette aide. Ces chiffres ne concernent pas les entreprises sous accord (agréées par l’État) qui gèrent elles-mêmes leurs dispositifs de compensation, ni le secteur public géré par le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la Fonction publique (FIPHFP). « Nous faisons intervenir des spécialistes qui identifient le besoin de compensation, par rapport au projet professionnel de la personne. En fonction du coût, nous pouvons intervenir financièrement, au-delà de l’appui-conseil pour permettre l’adaptation du poste », rappelle Didier Eyssartier, le directeur général de l’Agefiph, qui ajoute qu’il existe aussi « des aides apportées directement à la personne pour sécuriser le parcours, comme des prothèses auditives ou du complément de formation en plus du droit commun ». En outre, une personne en situation de handicap peut signer un contrat d’apprentissage sans limite d’âge. L’Agefiph travaille donc également sur les questions d’accessibilité avec les organismes de formation et les CFA.

« Exprimer » les talents

« Les personnes en situation de handicap ont de véritables compétences professionnelles, mais encore faut-il qu’elles puissent s’exprimer. L’aménagement du poste de travail, l’accessibilité au sens large, mais aussi l’accueil sont primordiaux, abonde Jacky Blot, le directeur de l’innovation sociale de Ladapt, l’association pour l’insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées. Quand vous accueillez pour un processus de recrutement une personne autiste, l’entretien en face à face ne va parfois pas être possible. Il faut par exemple présenter les compétences du candidat sur une clé USB, sans qu’il ait à s’exprimer, ou le prévenir du déroulé précis d’un éventuel entretien », cite-t-il en exemple, en rappelant qu’une carrière peut quelquefois tourner court après une mauvaise expérience…

Pour éviter ces malentendus, casser les préjugés et faciliter l’intégration de même que le maintien dans l’emploi des personnes en situation de handicap, des « jobs coachs » peuvent également être sollicités depuis 2017. Ils interviennent dès la recherche d’emploi et jusqu’à son maintien. Faisant l’interface entre le travailleur – son handicap, sa situation, ses besoins – et l’entreprise, dont l’environnement de travail, il peut aussi bien agir en faveur du salarié handicapé qu’en direction de ses collègues de travail, pour leur enseigner le comportement adéquat. « Les acteurs du médico-social et du monde de l’entreprise doivent travailler davantage ensemble », conclut Jacky Blot. Alors qu’elle tarde encore aujourd’hui, l’inclusion des personnes en situation de handicap a donc tous les moyens pour évoluer à l’avenir…

Auteur

  • Nathalie Tissot