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Spécial diversité

Ailleurs : Au Canada, le multiculturalisme est de rigueur

Spécial diversité | publié le : 07.11.2022 | Ludovic Hirtzmann

À l’instar du gouvernement fédéral, qui mise sur l’immigration pour doper son économie, les entreprises l’ont adoptée dans leurs effectifs, où les minorités visibles sont nombreuses.

Aux confins de la Place des arts et du quartier des affaires de Montréal, une affiche de la Banque royale invite, photo d’un couple à l’appui, les immigrants à profiter de leur nouvelle vie dans la métropole, sous les auspices de l’établissement bancaire. Et à l’instar de 37 % de ses salariés, ces immigrants sont issus des minorités visibles. Un chiffre à peu près identique dans toutes les grandes banques canadiennes. Mais pas seulement. Telus, deuxième opérateur télécom du pays, qui emploie près de 30 000 personnes, compte désormais 31 % de collaborateurs issus des minorités visibles. D’ailleurs, sur sa page Internet consacrée aux carrières, il a mis des photos de ses salariés : deux personnes originaires de Chine, deux d’Inde, une Africaine, deux Moyen-Orientaux – et deux photos, plus petites, d’employés dits « caucasiens »…

L’objectif d’Ottawa est désormais de faire passer la population, de 38 millions d’habitants actuellement, à 100 millions à la fin du siècle – grâce à l’immigration.

Un Canadien sur quatre est un immigrant

La politique canadienne du multiculturalisme remonte aux années 1970. Le Premier ministre d’alors, Pierre Elliott Trudeau, père de l’actuel Premier ministre, Justin Trudeau, en a posé les bases. Et aujourd’hui, alors qu’un Canadien sur quatre est un immigrant, les Européens ne représentaient plus que 10 % des arrivées en 2016, contre 62 % en 1971. La plupart des nouveaux Canadiens viennent d’Asie, et principalement d’Inde. Les institutions fédérales ont en outre accordé une grande importance à la sensibilisation sur la diversité et l’inclusion. Et selon les données officielles, plus de 88 % des fonctionnaires fédéraux ont participé à une formation sur le racisme ou la discrimination.

Une politique fédérale qui se retrouve logiquement au niveau des provinces.

Au Québec, le gouvernement a ainsi imposé des quotas annuels de recrutement de personnes issues des minorités visibles dans les entreprises publiques. Dans les transports en commun montréalais, un quart des embauches d’agents et de chauffeurs doivent ainsi provenir des minorités ethnoculturelles. Ces dernières représentaient 31 % des effectifs de la Société des transports de Montréal en 2018.

Dans le privé, les mesures sont plus timorées et plus difficiles à évaluer. Mais les entreprises ont compris le bénéfice qu’elles pouvaient tirer de salariés issus des minorités visibles, puisqu’elles ouvrent la possibilité d’offrir un service à une clientèle diversifiée – parfois en mandarin, en arabe ou en hindi, afin de la fidéliser. Pas étonnant, ainsi, que les distributeurs automatiques de billets de la Banque de Montréal permettent de choisir d’abord entre la langue anglaise, puis le mandarin et enfin… le français – à Montréal !

Remous au Québec

Reste que le multiculturalisme n’est pas sans provoquer quelques remous, en particulier au Québec… Selon certains Québécois de souche, cette politique fédérale aurait en effet pour objectif de les noyer dans le creuset canadien, afin de faire disparaître « le fait français »… Dans un article paru récemment dans le Journal de Montréal, l’historien québécois Frédéric Bastien estime d’ailleurs que si « Justin Trudeau invite à célébrer la diversité et à bâtir une société véritablement inclusive, dynamique et multiculturelle, au nom de cette ouverture, le multiculturalisme permet au Canada anglais de verser régulièrement dans la xénophobie anti-québécoise. » De même, le Premier ministre québécois, très populiste, s’appuie toujours sur la peur de l’immigrant à l’approche des élections – ce qui, en 2018, lui avait valu les félicitations de Marine Le Pen. Et lors d’un scrutin général, le 3 octobre dernier, le ministre du Travail et de l’Immigration, Jean Boulet, n’a pas hésité à déclarer qu’à Montréal, « 80 % des immigrants ne travaillent pas, ne parlent pas français ou n’adhèrent pas aux valeurs de la société québécoise… »

Certes, le politiquement correct et les risques de procès empêchent toute critique publique du multiculturalisme au Canada anglais. Mais cela ne veut pas dire pour autant que tous les habitants le plébiscitent. Dans certaines villes, Toronto ou Vancouver, les minorités visibles, les Asiatiques notamment, ne sont plus minoritaires mais majoritaires et contrôlent une partie de l’économie. Toronto, la plus grande ville du pays, comptait en 2016 (dernier recensement) près de 52 % de minorités visibles. Et si chacun vit en harmonie et sans violence, les communautés culturelles ne se mélangent guère. Elles n’ont pour seul dénominateur commun que leur passeport canadien.

Auteur

  • Ludovic Hirtzmann