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Les clés

Critique féministe de la productivité

Les clés | À lire | publié le : 31.10.2022 | Irène Lopez

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Critique féministe de la productivité

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Pas un jour sans qu’un « expert » ne partage ses secrets de productivité sur les réseaux sociaux… Ce serait pourtant un concept éculé, profondément inégalitaire, et qui plus est au détriment des femmes.

Les idées, le génie créatif et la vision stratégique continuent d’être davantage perçus comme l’apanage des hommes dans les entreprises… De même, on attribue aussi plus de productivité à ceux qui ont plus d’autorité. Or l’autorité est inégalement partagée dans le monde du travail. C’est l’une des thèses de Laetitia Vitaud, diplômée d’HEC, développée dans son livre En finir avec la productivité. Elle s’appuie sur les travaux de Mary Ann Sieghart publiés dans un ouvrage intitulé The Authority Gap, en 2021 : « Nous avons tendance à supposer qu’un homme sait de quoi il parle jusqu’à preuve du contraire. Alors que pour les femmes, c’est trop souvent l’inverse et, par conséquent, les femmes ont tendance à être davantage sous-estimées. Elles ont tendance à être plus interrompues, plus critiquées. Elles doivent davantage prouver leurs compétences. » L’autre thèse défendue par l’auteure répond à deux questions : pourquoi confond-on surtravail et productivité ? Et pourquoi cet amalgame nuit-il aux femmes ? Pour apparaître comme des « gagnants », certains peuvent vouloir signaler qu’ils sont plus occupés que les autres. C’est sans doute pour cela que tant de collaborateurs – quel que soit leur niveau – disent en permanence qu’ils sont « sous l’eau » ! Ils entretiennent ainsi une illusion de productivité. En fait, pour l’auteure, spécialiste du travail du futur, ce sont les plus oisifs, paradoxalement, qui sont les plus productifs : ceux qui se demandent comment en faire moins, si la tâche est vraiment nécessaire et comment elle pourrait être réalisée plus efficacement… « Nous continuons d’entretenir la confusion entre productivité et occupation frénétique », assure ainsi Laetitia Vitaud, prenant entre autres l’exemple de la boîte mail. Son remplissage et le « dépilage » font partie des signes extérieurs de « réussite » les plus évidents : si nous avons beaucoup de mails, c’est que nous devons être très sollicités et très importants. Et s’occuper de ses mails, que cela soit effectivement « productif » ou non, peut prendre des heures ! Son intuition est que la culture du surtravail et la confusion productivité/business, même si elles le sont pour tout le monde, sont particulièrement préjudiciables aux femmes. Pour plusieurs raisons. « Comme le travail gratuit n’est pas aussi valorisé que le travail rémunéré, être occupé à préparer le repas ou étendre le linge ne donne pas le même statut. Toutes les études montrent que les femmes sont effectivement plus débordées en moyenne (la fameuse double journée), mais puisque tout le monde se prétend débordé, on ne voit pas la différence et les femmes ne peuvent même pas le revendiquer comme un fardeau propre et genré », explique-t-elle. Une lecture révoltante mais salutaire, qui donne envie de changer les choses.

Auteur

  • Irène Lopez