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Le passeport prévention dans les starting-blocks

À retenir | publié le : 31.10.2022 | Gilmar Sequeira Martins

Health and work on scales. People balance job, money and sleep.

Initialement prévu pour octobre, le passeport prévention, ce document électronique listant les formations des salariés ayant trait à la santé et sécurité, devrait entrer en vigueur en mars 2023. Reste à savoir s’il contribuera à la réduction de la sinistralité au travail.

Le passeport prévention, un document électronique institué par la loi du 2 août 2021 afin de regrouper les attestations, certificats et diplômes obtenus par le salarié en matière de santé et sécurité au travail, ne fonctionnera qu’au printemps prochain. Pour l’heure, il continue de susciter des interrogations. Le parcours législatif a en effet modifié ce que prévoyait l’accord national interprofessionnel (ANI) sur la santé au travail, conclu en décembre 2020. Les parlementaires ont ainsi réservé au seul salarié l’accès aux informations enregistrées dans ce passeport prévention, lui donnant la liberté de diffuser – ou non – à l’employeur lesdites informations…

 
Prévention ou réduction des coûts ?

Un schéma final que déplore la CPME, par la voix de Pierre Thillaud, représentant la fédération des petites et moyennes entreprises au CNPST, le comité national de prévention et santé au travail : "Les entreprises auront l’obligation d’inscrire les formations réalisées dans le passeport prévention, mais dès lors que ces informations sont à la seule main du salarié, cela modifie radicalement l’intérêt de ce dispositif, dit-il. Un nouvel employeur pourra donc se voir contraint de faire suivre des formations sans savoir si elles l’ont déjà été et sont encore valables. Quel est le bénéfice pour la prévention ?"

Côté syndicats de salariés, la CGC réfute cependant cet argument. "Lors des négociations qui ont abouti à l’ANI de décembre 2020, ce passeport prévention, né d’une demande de la CPME, n’avait aucun objectif de prévention, affirme ainsi Anne-Michèle Chartier, déléguée nationale santé travail. Il avait pour objectif clairement affiché d’éviter aux employeurs d’avoir à payer une formation qui avait déjà été effectuée par le salarié nouvellement embauché. Nous avons souhaité que seul le salarié ait accès aux informations pour éviter tout risque de discrimination ou d’impression négative de la part de l’employeur en cas de parcours très diversifié."

Les employeurs vont-ils pour autant négliger cet outil, de crainte qu’il ne devienne un instrument de contrôle, voire une pièce à charge en cas de demande d’indemnisation ou de contentieux prud’homal ? "Dans tous les cas, la santé et la sécurité sont de la responsabilité de l’employeur, rappelle-t-elle. Est-ce dans son intérêt de se contenter d’une formation qui a été effectuée il y a cinq ans ? Il engage sa responsabilité. Le passeport prévention envisagé comme un outil listant les formations préventions et totalement accessible à l’employeur ne résout rien de ce point de vue."

 
Une formation comme une autre ?

L’utilité du dispositif laisse aussi perplexe la CFTC : "Ce passeport aura peu d’utilité, car soit le salarié a fait les formations nécessaires pour occuper le poste et il peut produire les attestations, ou alors il ne les a pas, estime Pierre-Yves Monteleon, responsable des questions de santé au travail. Le seul intérêt du site est de conserver une trace des attestations de façon pérenne."

Si les espoirs en matière de prévention semblent limités, le décret devant définir les modalités concrètes de fonctionnement du dispositif suscite des attentes, en particulier à l’U2P. "Nous attendons du décret qu’il introduise une mise en œuvre progressive du dispositif, une progressivité dans les exigences demandées aux employeurs et la garantie d’une compatibilité technique entre les acteurs", explique Michel Chassang, ancien vice-président de l’U2P et désigné par cette organisation pour siéger au Cese.

Du côté de la CGT, c’est le rapprochement entre passeport prévention et plateforme gérant le CPF qui suscite des appréhensions, comme le résume Jérôme Vivenza : "Nous craignons que l’étanchéité entre les deux types de financements ne s’efface et que la formation à la prévention-santé-sécurité soit considérée comme une formation au même titre que les autres." Enfin, Caroline Champion, assistante confédérale de Force ouvrière, déplore que seuls les salariés en poste soient concernés… "Le système actuel oublie les demandeurs d’emploi. Nous estimons qu’ils n’ont pas à payer ce type de formation pour trouver un poste, alors que cette obligation repose sur les employeurs", tranche-t-elle. Autant d’arguments qui ont toutes les chances de faire encore évoluer ce passeport…

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins