Comment réinventer la fonction sociale et économique des syndicats en atténuant la culture de l’affrontement ? C’est tout l’enjeu de la question – taboue – de la disparition des syndicats en France, que décrypte Stéphanie Matteudi-Lecocq dans son livre.
« Pour bien fonctionner, la démocratie doit permettre l’alternance entre des partis politiques forts, clairs dans leurs démarches et responsables », écrit Raymond Soubie, expert en gestion des ressources humaines et des politiques sociales et ancien conseiller social de Nicolas Sarkozy à l’Élysée, dans la préface de l’ouvrage de Stéphanie Matteudi-Lecocq, Les syndicats peuvent-ils mourir ? Or aujourd’hui, ces conditions ne sont pas réunies de manière optimale. Les partis politiques ne sont pas dans leur meilleur état. Ajoutons à ce constat le désintérêt des Français pour la politique. Par ailleurs, la baisse des effectifs de salariés syndiqués fragilise les syndicats. Stéphanie Matteudi-Lecocq, spécialiste du droit du travail et de l’observation du monde syndical, s’interroge sur la crise profonde que traverse le syndicalisme en France et sur les signaux qui pourraient faire croire à la chronique d’une mort annoncée de formes d’organisations dont les origines remontent à la fin du XIXe siècle.
Dans les conditions actuelles, comment mener un dialogue social permanent et constructif ? Plutôt que de laisser la crise faire le vide et les syndicats disparaître, ne conviendrait-il pas mieux de s’appuyer sur les spécificités du syndicalisme et du patronat à la française, pour se préparer aux défis de demain ? L’auteure propose de repenser les changements provoqués par la naissance du comité social et économique (CSE), issu des ordonnances Macron. En effet, son principe repose sur l’information que les entreprises communiquent, dans une posture parfois défensive, face à des représentants du personnel sur le qui-vive, prêts à en découdre si nécessaire. Autre suggestion : faire renaître les vocations pour un dialogue construit et représentatif des intérêts en présence, alors qu’entre 30 % et 40 % des salariés ne se syndiquent pas, par peur des représailles, dit-elle…
Stéphanie Matteudi-Lecocq prône également la refonte de la formation pour tous : élu du personnel – syndiqué, non syndiqué ou militant syndical, mais aussi salarié, manager ou membre de la direction, pour que chacun soit sensibilisé au fait social et syndical et le connaisse mieux. Dans le contexte de la réforme proposée par le gouvernement, cette prise en charge publique de la formation est d’autant plus essentielle qu’en France, nous ne disposons pas d’un syndicalisme de services obligatoire, mais d’un syndicalisme de revendications où les représentants du personnel sont libres de se syndiquer ou non, engendrant un faible taux d’adhésion syndicale. Pour l’auteure, mettre de nouveau les syndicats au cœur des enjeux de demain est une occasion à saisir au plus vite pour éviter que ces organisations, qui ont joué jusqu’à présent un rôle essentiel dans l’histoire des progrès sociaux, ne meurent.