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Négociations : La culture du dialogue social en entreprise reste à bâtir

Tendances | publié le : 17.10.2022 | Olivier Hielle

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Négociations : La culture du dialogue social en entreprise reste à bâtir

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L’une des tables rondes du grand rendez-vous sur le dialogue social, le 18 octobre à Suresnes, pose la question de la pertinence d’accroître la possibilité de placer les accords d’entreprise au-dessus des accords de branche, notamment pour la durée de travail. Pour l’heure, les entreprises ne se sont pas engouffrées dans la brèche ouverte par la loi El Khomri de 2016.

En 2016, les opposants au projet de loi El Khomri, visant, selon le gouvernement, à « protéger les salariés, favoriser l’embauche et donner plus de marges de manœuvre à la négociation en entreprise », ne cachaient pas leur inquiétude. En plaçant les accords d’entreprise au-dessus des accords de branche, avec l’idée de déterminer le niveau le plus approprié de fixation de la norme en droit du travail et de permettre aux accords d’entreprise de déroger aux accords de branche sur davantage de sujets, les réformes envisagées allaient dégrader les conditions de travail. Il n’y aurait plus, selon les détracteurs, « de règles minimums qui s’appliqueraient à tous », apportant ainsi « un risque d’affaiblissement social »… En fait, le texte ne faisait que poursuivre un mouvement initié dès les lois Auroux (lire encadré). Et à peine un an plus tard, l’une des ordonnances Macron de 2017 parachevait ce glissement vers la primauté de principe de l’accord d’entreprise, ne laissant aux branches qu’un nombre limité de thématiques.

Quelques années ont passé. Le bouleversement annoncé par les opposants à la réforme n’a pas eu lieu… « Les DRH ne se sont pas engouffrés dans la possibilité de déroger à l’accord de branche, confirme Laurence Breton-Kueny, vice-présidente de l’ANDRH. Chacun est suffisamment responsable pour ne le faire que lorsqu’il y a nécessité. »

La possibilité de dérogation n’est donc qu’un outil supplémentaire. « Cela permet de dire aux DRH qu’ils ont les cartes en main, qu’ils peuvent créer du droit et qu’ils ont le choix de pouvoir, s’ils le veulent, retailler les dispositions conventionnelles », analyse Maître David Guillouet, avocat en droit du travail au cabinet Voltaire. Mais sur le terrain, « peu de responsables RH ont envie de se lancer dans une négociation s’il n’y a pas de nécessité majeure. L’idée d’une profonde refondation sociale dans les entreprises est quelque peu utopique… » Côté employeurs, l’heure est donc à la prudence, ce qui laisse penser que les dernières évolutions législatives ont raté leur cible. Maître Franck Morel, avocat associé chez Flichy Grangé Avocats et spécialiste des questions de dialogue social, estime en tout cas que le cheminement vers davantage de négociations au sein même des entreprises prend du temps certes, mais est en marche. « C’est une révolution tranquille, analyse-t-il. Le processus de négociation collective s’accroît tranquillement. »

Syndicats affaiblis

Le point de vue de la CGT est, sans surprise, assez différent : « En termes de négociation collective, les choses deviennent beaucoup plus compliquées », estime Angeline Barth, secrétaire confédérale. Avec la recherche, par le législateur, de basculer vers de la négociation plus « locale », les syndicats sont affaiblis. « Certaines fédérations ont perdu 3 500 mandats sur leur branche, poursuit-elle. On voit les effets des derniers textes sur la capacité des salariés à s’organiser, à se défendre, à revendiquer de façon collective. Dans les TPE, des accords ont autorisé des salaires en dessous des conventions collectives. » Les dernières évolutions auraient donc avant tout affecté l’implantation des syndicats au sein des entreprises. Même si, selon Franck Morel, « les syndicats n’ont pas perdu leur place, ils n’ont juste pas réussi à la gagner… La culture de la négociation ne va pas tomber du ciel. »

De fait, la mesure de l’impact des lois et ordonnances de 2016 et 2017 sur le dialogue social semble prématurée : « Les entreprises ne se saisiront de certaines de leurs potentialités que dans une deuxième étape », relève un rapport du Sénat sur le sujet1. Les entreprises doivent d’abord digérer les dernières réformes, denses et nombreuses. Et pourtant, déjà, de nouvelles sont en préparation. Autant dire que « le calme et la sécurité » souhaités par les nombreuses entreprises auditionnées par le Sénat l’année dernière n’est pas pour tout de suite…

76 820 accords collectifs

D’après le rapport annuel sur la négociation collective de la Direction générale du travail, rendu public le 27 septembre, 76 820 accords collectifs ont été conclus et enregistrés en 2021. Un chiffre stable par rapport à 2020, mais encore en deçà de 2019, année du record, avec 80 780 accords conclus.

(1) Frédérique Puissat, Bilan des réformes en matière de dialogue social et de négociation collective, rapport d’information, Sénat, 30 juin 2021.

Auteur

  • Olivier Hielle