Le stress au travail est perçu comme le « mal du siècle ». Mais de quoi parle-t-on exactement ? Sans être exhaustif, Raphaël Pirc, docteur en sociologie des organisations et ingénieur de recherche, le présente de sa lecture étymologique à ses enjeux politiques.
Si les statistiques varient entre les différents sondages ou d’une année à l’autre, le stress au travail continue de poser beaucoup de questions auxquelles il est difficile de rester insensible, d’autant qu’il se révèle ambivalent – tantôt nécessaire pour trouver l’inspiration face aux défis professionnels, tantôt néfaste puisqu’il peut mettre en danger la santé.
L’ouvrage de Raphaël Pirc, Le Stress au travail, est centré sur trois constats. D’abord, le stress est à comprendre selon des conceptualisations différentes, en fonction des postures et hypothèses scientifiques. S’il y a du stress, encore faut-il le prouver. L’auteur – qui enseigne la sociologie depuis plus de dix ans et a mené plusieurs enquêtes qualitatives en milieux urbain et rural, mais aussi en entreprise, et est l’auteur d’une thèse sur les conditions de travail des conducteurs de camion en France où il aborde le stress lié au travail dans les transports routiers – en présente les modèles principaux, développés selon des méthodes quantitatives, essentiellement psychologiques. Ils donnent davantage d’informations sur le niveau du stress individuel, en fonction des dimensions soulevées. Par exemple, le modèle du déséquilibre effort-récompense de Johannes Siegrist a mis en évidence une relation entre le stress et les maladies cardiovasculaires, tandis que le process of social stress de Leonard Pearlin est un modèle de causalité lié à des événements au cours de la vie, sur fond de structures sociales. Ensuite, l’auteur démontre que si l’on stresse, ce n’est pas nécessairement en raison de caractéristiques individuelles, mais aussi parce que les contraintes sociales ressenties sont chargées de sens, sociologiquement partagées et structurées. Le stress devient ainsi un moyen de lutte sociale et ce, à double titre, car la pression peut également venir des services de ressources humaines, tant pour des enjeux d’image d’entreprise que selon un principe fondateur de bien-être.
Au niveau sociologique, le stress révèle aussi bien le contrôle des émotions et les jeux de pouvoir que la nature de la cohésion sociale et le système d’endettement mutuel. Enfin, la reconnaissance institutionnelle du stress est encore aujourd’hui loin d’être évidente, malgré les preuves apportées par les scientifiques démontrant sa relation avec certaines maladies. Au niveau juridique, il n’y a pas de distinction entre burn-out, stress post-traumatique et plus généralement, risques psychosociaux. Ces notions sont même souvent confondues dans les risques sur la santé et la sécurité au travail.