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Inclusion : En 2022, la LGBTphobie existe encore en entreprise

Le point sur | publié le : 17.10.2022 | Lucie Tanneau

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Inclusion : En 2022, la LGBTphobie existe encore en entreprise

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Intégrer les lesbiennes, gays, bisexuels, trans et autres minorités en entreprise : c’est la cause pour laquelle milite l’association L’Autre Cercle depuis 25 ans, avec notamment des rôles modèles. Aujourd’hui, des dizaines d’entreprises affichent leur ouverture. Mais la réalité du terrain les rattrape encore parfois.

Les personnes LGBT+ représentent 7 % de la population mondiale. Ces 7 % existent forcément aussi en entreprise… Pourtant, elles restent souvent cachées, ignorées, voire moquées. "Une personne LGBT+ sur deux est invisible en entreprise", révélait ainsi en juin dernier le baromètre de L’Autre Cercle, association qui milite pour l’inclusion de ces personnes dans le monde du travail. En outre, trois salariés sur dix rapportent des moqueries et des agressions à l’encontre des LGBT+, ajoute le baromètre. "La LGBTphobie existe encore", regrette Alain Gavand, le cofondateur de L’Autre Cercle. Avec elle, un climat négatif, qui empêche ces personnes d’être au mieux de leur engagement ou de leurs compétences dans leur vie quotidienne de travail et dans leur environnement professionnel en général. "Chacun veut être reconnu dans sa singularité, c’est dans l’air du temps. On peut penser que le genre et l’orientation sexuelle sont des sujets d’ordre privé, mais en entreprise, chacun vient avec ce qu’il est. Si l’organisation ne dit pas clairement qu’elle est ouverte à tous les profils, les personnes LGBT+ peuvent avoir des craintes sur leur acceptation dans le groupe : c’est préjudiciable pour leur bien-être et pour la performance de l’entreprise", relève Hélène Tagliabue, la DRH Europe de Legrand, un groupe spécialisé dans les infrastructures électriques et numériques du bâtiment, dont le siège et 2 000 collaborateurs français (sur 5 000) sont basés à Limoges. De fait, si les personnes LGBT+ sont sorties du placard en France ces dernières années, leur inclusion dans le monde du travail reste un chemin souvent tortueux. "Le corps social est beaucoup plus ouvert qu’on le croit, poursuit Hélène Tagliabue, mais encore faut-il que l’entreprise affiche son ouverture afin que les gens se sentent libres à leur tour de s’ouvrir." Elle en a fait l’expérience en 2019, quand le groupe a décidé pour la première fois d’afficher un message de soutien à la communauté LGBT+ sur son portail intranet lors de la Marche des fiertés, le 19 mai. "Cela a incité une salariée à m’envoyer un e-mail pour m’annoncer qu’elle démarrait un parcours de transition. Nous avons pu échanger et voir comment l’accompagner", rapporte la DRH qui se souvient d’un accueil "extraordinaire" dans les équipes par la suite.

De même, au sein de la PME Aucoffre.com, à Bordeaux, le dirigeant, Jean-François Faure, croit également à la vertu de la parole. "L’idée, pour moi, est d’affirmer à chaque salarié – qu’il soit homosexuel, autiste ou diabétique – que l’entreprise le protégera, et ce, qu’il affiche sa singularité ou non. L’orientation sexuelle reste de l’ordre du privé, mais connaître chaque collaborateur peut permettre de réagir pour éviter les propos ou les blagues stigmatisantes", dit-il, pour ajouter : "J’ai déjà été confronté à des réflexions déplacées sur la sexualité ou sur d’autres minorités. J’ai alors remis les pendules à l’heure. Le chef d’entreprise a un rôle d’éducation grâce aux postures qu’il adopte, pour que chacun se sente bien. L’idée n’est pas d’organiser une gay pride, mais d’agir pour soutenir des collaborateurs qui pourraient être dans la souffrance s’ils ne se sentaient pas accompagnés. » Une approche également défendue par L’Autre Cercle.

Régression

D’autant que la tolérance est plutôt en régression. Le 3e Baromètre LGBT+ de l’Ifop montre ainsi une hausse des agressions et des discriminations à l’encontre des LGBT+ au travail depuis trois ans. "Il faut une tolérance zéro et la mise en place de dispositifs d’alerte, de traitements et de sanctions réellement efficaces, afin de s’attaquer à ce climat et ces violences LGBTphobes, encore trop souvent acceptés et banalisés", tranche Catherine Tripon, coresponsable du pôle employeurs de L’Autre Cercle. Les non-LGBT+ sous-estiment très souvent ce climat LGBTphobe ambiant. Ainsi, 55 % des LGBT+ ont déjà entendu des expressions LGBTphobes au travail, contre 34 % seulement des non-LGBT+. "Il y a un travail régulier et permanent à faire : cela passe par beaucoup d’action de sensibilisation et par l’affichage d’une politique de tolérance zéro », assure Delphine Pouponneau, la directrice diversité et inclusion d’Orange, qui raconte comment l’opérateur s’est saisi de ces sujets en interne (lire pages suivantes). « Nous assistons à des coming out dans certaines équipes, ce qui n’était jamais arrivé auparavant. Certaines personnes LGBT+ sont dans l’entreprise depuis longtemps et grâce à notre communication, elles ne craignent plus de se rendre visibles, sachant qu’elles seront acceptées", reprend également Hélène Tagliabue, chez Legrand. La création du réseau LGBT+ et alliés a permis un cheminement pour certains salariés. "Quand j’ai affiché les réunions du réseau sur les agendas publics, certains me l’ont reproché. Ils avaient tellement l’habitude de se cacher qu’ils ont pris leur participation à ces réunions comme un outing (révélation non souhaitée), alors que la majorité des personnes inscrites sont des alliées. Cela a permis aux non-LGBT+ de découvrir ce qu’implique la visibilité ou la non-visibilité, et, depuis, chacun se comprend mieux", poursuit-elle. Legrand a aussi pour projet de nommer des ambassadeurs sur chacun de ses sites. "Ils seront les interlocuteurs privilégiés sur ces sujets, à même de répondre aux salariés, aux parents, aux managers, qui auraient des questionnements. Surtout, ils s’assureront que ce thème d’inclusion et de non-discrimination reste à l’agenda", affirme-t-elle. Plusieurs membres du comex sont aussi dans la liste des rôles modèles de L’Autre Cercle depuis quatre ans. Car l’inclusion des salariés LGBT+ passe avant tout par la tolérance de chacun qui, démultipliée, permet de créer des climats sains et des entreprises où l’orientation sexuelle ou le genre de chacun des salariés ne sera plus ni un problème, ni même un sujet.

Auteur

  • Lucie Tanneau