L’idée d’un boycott de la 22^e édition de la Coupe du monde de football, organisée au Qatar en novembre prochain par la Fifa (Fédération internationale de football), fait son chemin. En effet, cette Coupe reçoit un carton jaune sur tous les versants du développement durable : économique, environnemental, social et sociétal.

Le coût de cette compétition, 220 milliards de dollars, est sans précédent. Il représente 100 fois le montant de celle organisée en France en 1998. Le Qatar et ses 2,75 millions d’habitants attendent au moins 1,2 million de visiteurs pour cet événement. Il n’a même pas constitué un levier de création d’emplois pour la population du pays d’accueil, puisque le Qatar s’est appuyé sur les travailleurs immigrés, qui représentent plus de 90 % de sa population. Même lacune pour la contribution des infrastructures à la vie culturelle et sportive du pays : la compétition terminée, que fera-t-on des 80 000 places du stade de Lusail, dans un pays sans culture footballistique ? À l’heure de la sobriété, cette démesure, ce gaspillage immense d’argent et d’énergie n’est pas fidèle au football que nous aimons : populaire et solidaire.

Les sept stades construits spécifiquement pour la compétition, bien qu’à ciel ouvert, seront climatisés – sans compter les 168 vols quotidiens entre le Qatar et les pays voisins, qui hébergeront une large partie des supporters. L’ONG belge Carbon Market Watch a publié en mai 2022 un rapport qui démonte les prétentions de la Fifa sur la neutralité carbone et estime que son évaluation de l’empreinte des stades serait sous-estimée d’un facteur huit ! Comment demander à nos concitoyens de faire des efforts afin de préserver notre planète tout en laissant se dérouler cette folie écologique ? Le boycott obligera les organisateurs à remettre en cause leur modèle pour concevoir une Coupe du monde bas carbone.

Fin février 2021 le quotidien britannique The Guardian a publié une enquête compilant les données obtenues auprès des gouvernements indien, sri-lankais, bangladais, népalais, pakistanais, montrant qu’au moins 6 500 ouvriers immigrés originaires de ces pays ont trouvé la mort sur les chantiers de construction du Qatar depuis que ce pays a gagné, en 2010, l’organisation de la Coupe du monde. Amnesty International a montré dans un rapport publié en août 2021 que le Qatar a failli à son obligation de mener des enquêtes adaptées sur la mort de ces travailleurs et dénonce le faible nombre d’autopsies pratiquées et l’absence d’enquête menée auprès des collègues et des familles des défunts. L’ONG Human Rights Watch affirme, dans son rapport publié en décembre 2021, que « les travailleurs migrants continuent de souffrir de nombreux abus, comme la confiscation de leur passeport, le paiement inexistant ou retardé de leurs salaires et même le travail forcé ».

La France devrait-elle ne pas envoyer les Bleus disputer la compétition ? Cela reviendrait à faire peser sur les joueurs, qui misent leur carrière sportive sur l’événement, un poids trop lourd et trop exclusif. Mais nous pouvons tous agir par un boycott populaire : s’abstenir de s’abonner à BeIn Sports, ne pas regarder les matchs en clair, ce qui entraînera une baisse des revenus pour les diffuseurs, relayer les appels au boycott, sanctionner par la carte de crédit les marques qui associent leur nom à l’événement, faire part de nos désaccords. Puisque la Fifa refuse de remettre en cause son modèle fondé sur le profit, la démesure et le mépris des droits humains, seul le boycott populaire est capable d’imposer une remise en cause pour les prochains événements. Pour les entreprises qui portent des valeurs, s’associer à cette Coupe du monde reviendra effectivement à se couper du monde.

Pour aller plus loin : « La Coupe du Monde de football est-elle socialement responsable ? » https://management-rse.com/la-coupe-du-monde-de-football-est-elle-socialement-responsable/