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Jeunes et seniors : les deux faces d’une même pièce

Chroniques | publié le : 10.10.2022 |

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Jeunes et seniors : les deux faces d’une même pièce

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Benoît Serre vice-président délégué de l’ANDRH

Les débats se tendent sur une hypothétique réforme des retraites, pour laquelle le gouvernement annonce (enfin) qu’elle est inséparable d’une action forte pour améliorer le taux d’emploi des seniors. Il est pour autant nécessaire de faire un parallèle avec le combat mené depuis des années pour l’emploi des jeunes. Les dernières mesures en date dans le plan « 1 jeune 1 solution » ont clairement donné des résultats crédibles. Le développement sans précédent de l’alternance et de l’apprentissage ces trois dernières années et les ambitions affichées encore récemment par les pouvoirs publics démontrent qu’une politique volontariste et claire entraîne derrière elle les entreprises qui ont répondu présentes.

Il était évidemment essentiel de mettre fin à cette situation où près d’un quart d’une génération montante se retrouvait sans véritable emploi. À l’époque, les mêmes arguments s’échangeaient pour expliquer ce fait, mélangeant le manque d’expériences avec le coût des formations ou leur inadaptation au monde du travail. Il est curieux de constater que pour justifier les statistiques peu brillantes de la France en matière d’emploi des seniors, on entend à peu près les mêmes explications, auxquelles s’ajoutent la méconnaissance digitale et la charge salariale.

Et pourtant, réunir le marché du travail en mettant fin à son atomisation qui écartait les jeunes et les moins jeunes est plus que jamais indispensable, dans la formidable et parfois anxiogène période de transformation générale que nous connaissons. La vivacité comme la solidité d’un arbre se mesurent autant à ses feuilles qu’à ses racines, et c’est précisément en favorisant le mélange des générations que nous parviendrons à mettre fin à leur théorique opposition. Les jeunes auraient perdu cette valeur travail que les moins jeunes mesurent. De même, ils ne s’engageraient plus ou feraient preuve d’exigences inadaptées à la réalité, alors que les plus anciens ont cette connaissance de l’instabilité et de la résilience. À l’inverse, les seniors se voient opposés l’obsolescence de compétences que les plus jeunes maîtrisent ou leurs difficultés à accepter de nouveaux modes de management, alors que la génération qui monte veut justement les faire évoluer. Il existe une alliance objective entre les générations, car chacune dispose des expériences et des connaissances dont l’autre a besoin. On constate aussi qu’il est très difficile d’être embauché après 55 ans, alors qu’il semble de plus en plus évident que les entreprises ont appris à conserver leurs salariés les plus âgés. Ce serait donc l’incapacité à s’adapter à une nouvelle culture d’entreprise qui expliquerait nos difficultés à embaucher des seniors. D’une certaine manière, alors qu’on reprochait aux jeunes de manquer d’expérience, on redouterait que les moins jeunes en aient trop pour pouvoir encore apprendre et s’adapter. Les deux faces d’une même pièce.

Ce parallélisme des motifs est assez troublant, car il fait fi de la responsabilité de l’organisation à doter ses collaboratrices et ses collaborateurs des compétences nécessaires à l’exercice de leur métier. Dès lors que nous avons trouvé les moyens de faire acquérir aux jeunes les compétences qui leur manquent par une politique volontariste des entreprises, soutenue par les pouvoirs publics, il est tout aussi logique de s’engager sur le même chemin pour adapter les moins jeunes aux compétences désormais exigées.

Ce chemin est triple. En premier lieu – et c’est la responsabilité des organisations –, il faut renforcer l’anticipation des compétences futures et ne pas attendre de constater qu’on en a besoin pour les faire acquérir. Cela implique une politique de formation dévolue aux collaborateurs les plus expérimentés en acceptant de les détourner un temps de leur activité principale pour les préparer. C’est ensuite s’attacher à mieux valoriser l’expérience acquise par plusieurs années d’emploi en termes de métiers, mais surtout en management, notamment en commençant plus tôt le travail de préparation et de transmission aux jeunes générations. C’est enfin reconnaître l’expertise acquise dans le temps, car trop souvent dans nos modèles d’organisation, la maîtrise quasi parfaite d’un métier est moins reconnue que la capacité à le manager. Les pouvoirs publics ont aussi un rôle éminent à jouer, en soutenant ces politiques d’entreprises, notamment par la concentration des politiques de soutien aux plus touchés par ce chômage insupportable des seniors, dont une étude récente (enquête Medef de septembre 2022) démontre qu’il est perçu comme la première des discriminations à l’embauche. La clé du succès viendra de notre capacité à faire de l’expérience des uns la source de l’apprentissage des autres !