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Tendances

Les supermarchés U se mobilisent face au risque de féminicides

Tendances | publié le : 26.09.2022 | Nathalie Tissot

Relogement, aide à la garde d’enfants, assistance juridique, mobilité professionnelle, aménagement d’horaires… Depuis deux ans et demi, la coopérative accompagne les salariés victimes de violences intrafamiliales.

En 2018, quatre salariées de la coopérative de commerçants qui regroupe les enseignes U (Super U, Hyper U, Marché U, U Express et Utile) ont été tuées par leur compagnon… « Nous ne pouvions plus rester sans rien faire », déclare Satya Lancel, coordinatrice nationale de gestion de crise pour les 1 500 magasins en France. La prise de conscience s’est opérée grâce à un dispositif d’accompagnement destiné aux salariés touchés par un décès, un braquage, une prise d’otages, créé après l’attentat du Super U de Trèbes (Aude) en mars 2018. Les responsables RH du groupe, qui emploie près de 70 000 personnes, réalisent alors l’impact des violences conjugales sur le personnel. Le numéro d’assistance unique, qui permet aux patrons de magasins de signaler des problèmes sur le lieu de travail est étendu aux difficultés rencontrées au domicile. Au bout du fil, une équipe interne coordonnée par une psychologue spécialisée en psychotrauma, en lien avec les services RH, répond aux appels 7 jours/7, 24 heures/24.

Soutien spécifique

Un soutien spécifique est proposé au niveau local aux victimes de violences intrafamiliales. Des outils comme l’application App-Elles, qui permet de joindre des contacts de confiance, d’être localisé et d’avoir accès aux numéros d’écoute et aux plateformes de signalement, leur sont présentés. Les salariés concernés peuvent également bénéficier d’une aide juridique et psychologique gratuite et illimitée via le réseau des associations France Victimes qui maille le territoire et connaissent bien les problématiques liées à ce type d’infractions pénales. « Les droits exceptionnels que nous avons ouverts peuvent être activés quand la victime le souhaite. Que ce soit aujourd’hui, demain, dans six mois, dans un an, l’entreprise est là pour l’accompagner », insiste Satya Lancel, qui cite en exemple l’aide financière pouvant être accordée pour la garde d’enfants. « Quelqu’un qui travaille à la mise en rayon et commence à 5 heures du matin va préférer rester avec un conjoint violent plutôt que de laisser ses enfants seuls à la maison, elle ne pourra plus aller travailler », explique-t-elle.

Sans besoin d’un dépôt de plainte et sans se substituer aux aides de l’État, la coopérative propose également une mobilité géographique professionnelle immédiate aux victimes. « Nous sommes capables le jour même ou le lendemain de sa demande de lui trouver un poste n’importe où en France dans un autre magasin », assure la coordinatrice de gestion de crise qui réfléchit, avec d’autres enseignes, à la possibilité d’une mobilité interentreprises.

Grâce à un partenariat avec l’action sociale du groupe Action logement, un hébergement d’urgence en résidence hôtelière est également proposé en 24 heures à l’employée en souffrance. Ce lieu temporaire est pris en charge à 100 % pendant 60 nuits avant d’envisager une solution plus pérenne. Preuve de son utilité : le dispositif a déjà été déclenché plus d’une dizaine de fois depuis janvier 2022.

Campagne de sensibilisation

Malgré ces mesures qui comportent aussi la possibilité d’aménagements d’horaires ou de jours d’autorisations d’absence spéciale pour les démarches administratives, le pire arrive encore. Il y a quelques mois, une hôtesse de caisse dans un magasin du sud de la France est décédée sous les coups de son conjoint, à la surprise de ses collègues qui ignoraient tout du danger qu’elle courait. Pour atteindre au mieux les collaborateurs, une campagne de sensibilisation très simplifiée a été menée et des guides d’entretien ont été élaborés pour les directeurs d’établissements. « Nos magasins sont en zones rurales, tout le monde connaît la vie de tout le monde. Les patrons sont convaincus de l’intérêt d’agir, mais il a fallu travailler avec eux la façon d’aborder le sujet avec la salariée concernée, car c’est souvent “un collègue qui a dit que…” », indique Satya Lancel, qui rappelle que des hommes sont également victimes, même si cela reste très marginal. Les violences intrafamiliales concernent tout type de couple et regroupent aussi les maltraitances des parents ou frères et sœurs.

Dans les cas les plus tragiques, les collègues des salariés décédés ne sont pas oubliés. En décembre 2021, lors du procès aux assises du conjoint de l’une des victimes de 2018, « ses collègues proches, son N+1, son N+2 et le directeur de l’établissement ont été amenés à témoigner et il a fallu être capable de les accompagner », souligne la coordinatrice – qui espère ne jamais plus être confrontée à ce type de situation…

Auteur

  • Nathalie Tissot