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Inclusion : Qlower mise sur les seniors

Sur le terrain | publié le : 26.09.2022 | Lucie Tanneau

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Inclusion : Qlower mise sur les seniors

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À rebours de nombre d’autres jeunes pousses, la start-up, qui fournit un outil de gestion locatif à destination des investisseurs, veut embaucher des comptables certifiés à la retraite pour ses mois de pics d’activité. Une idée testée cette année.

« À Station F, où nous sommes installés, on nous donne du “Monsieur” dans les couloirs », sourit Christophe Duprat. À 46 ans, le cofondateur de la start-up Qlower, dont les deux autres associés ont 54 et 65 ans, « n’a pas vraiment la même tête que ses voisins » au sein du plus grand incubateur de France, à Paris, comme il le dit avec malice.

C’est d’ailleurs cette différence qui l’a poussé à vouloir miser sur les seniors. Qlower propose un outil de gestion locative fondé sur l’open banking et l’intelligence artificielle à destination des investisseurs, depuis début 2021. Mais si les trois fondateurs de la jeune pousse sont experts en investissement immobilier, en technologies bancaires et en gestion d’actifs, en revanche, ils ne sont pas comptables… Lors du pic d’activité, qui se situe au moment des déclarations fiscales de leurs clients, ils ont donc eu l’idée de faire appel à des comptables retraités.

Expérience et disponibilité

« Nous recherchions de l’expérience et de la disponibilité », explique Christophe Duprat. Les calculs de base sont réalisés par l’outil, grâce à un algorithme, mais cela n’exclut pas le besoin de compétences pointues afin de corriger les calculs si nécessaire. Faire appel à des comptables certifiés permet aussi de rassurer les services fiscaux. « Notre enjeu est de garder de l’humain : la déclaration fiscale initiale est certes faite par un robot, mais vérifiée par un humain qui peut améliorer l’algorithme », poursuit le co-fondateur.

Le choix de faire appel à des seniors, alors qu’eux-mêmes sont également considérés comme tels, est aussi et surtout, pour les trois entrepreneurs, né d’une volonté d’exemplarité. « Nous voulons habituer les entreprises à embaucher des seniors en leur montrant un exemple qui marche », précise Christophe Duprat. D’autant qu’il se désole du manque d’intérêt pour les talents seniors de la part des entreprises françaises. « Le taux de chômage des 55-64 ans est deux fois plus élevé en France qu’en Allemagne », regrette-t-il ainsi. Mais l’objectif n’est pas uniquement social, puisque le but de la start-up, c’est avant tout de se développer. « Nous avons un pic d’activité de deux mois, en avril et mai. Cette temporalité peut correspondre à des retraités qui ont encore envie de travailler. Notre but est avant tout d’être pleinement opérationnels », avance-t-il.

Casser les stéréotypes

Comme pour Qlower, le recours à des seniors permettrait, selon lui, de résoudre certaines difficultés actuelles de recrutement dans les entreprises. Il veut en tout cas participer à casser les stéréotypes associés à l’âge, notamment dans l’écosystème tech et celui des start-up, où les profils jeunes sont largement surreprésentés.

Cette année, la jeune pousse a donc fait un test. Jean-Jacques Dubet, 70 ans cet été, a ainsi été embarqué et a facturé ses services à Qlower. « Je n’acceptais pas l’idée de la retraite, je voulais poursuivre mon activité », raconte, depuis Cagnes-sur-Mer, celui qui a travaillé en tant que comptable d’entreprise une grande partie de sa carrière avant de devenir indépendant, il y a quinze ans, « pour aider des jeunes ». Depuis, en effet, il accompagne des porteurs de projet lorsqu’ils défendent leurs idées devant les banques. « L’idée de Qlower, géniale, avait besoin de mes connaissances pour fonctionner », dit-il.

L’intérêt est également d’apporter à terme « aux plus jeunes de l’équipe (25 ans et demi de moyenne d’âge – en excluant les cofondateurs) leurs connaissances de terrain et des automatismes métier », précise Christophe Duprat. « La position externe à l’entreprise qu’ont les seniors qui nous épaulent pour quelques semaines offre également un recul que les équipes internes ont du mal à avoir. Cela peut permettre d’identifier des points d’amélioration à la prise en main du logiciel », ajoute-t-il.

La start-up espère atteindre les 150 000 euros de chiffre d’affaires cette année, pendant laquelle Jean-Jacques Dubet aura validé 70 dossiers. Quelque 5 000 dossiers sont espérés pour l’an prochain, avec peut-être l’aide de 50 autres seniors retraités, si l’idée de ce recrutement à contre-courant s’avère payante pour tous…

Auteur

  • Lucie Tanneau