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« Le chômage ne doit pas être considéré avec une vision macro »

Le point sur | publié le : 19.09.2022 | Dominique Perez

Laurent Grandguillaume, président de l’association nationale Territoires zéro chômeur longue durée, ancien député de la Côte-d’Or et porteur de la loi d’expérimentation, fait un premier bilan.

Officiellement habilités fin décembre 2016, les Territoires zéro chômeur longue durée sont toujours considérés comme en phase d’expérimentation. N’ont-ils pas pourtant fait leurs preuves ?

Nous nous considérons toujours dans cette logique, même si certains peuvent estimer que cette période est trop longue. Mais qui a défini qu’une expérimentation devait avoir une durée de cinq ans maximum ? Oui, nous continuons d’apprendre en 2022, et avec l’élargissement du nombre de territoires, nous identifions toujours de nouvelles pratiques, qui enrichissent l’expérience. Alors, nous assumons, nous prenons le temps. Il est possible qu’en France, on ait parfois voulu aller trop vite pour mettre en place des dispositifs, concrétiser rapidement des idées et généraliser leur mise en œuvre, sans se laisser suffisamment le temps. Nous souhaitons, nous, peaufiner la démarche.

Mais les résultats, pour vous, sont déjà là…

Aujourd’hui, 1 300 personnes ont été embauchées dans les entreprises à but d’emploi (EBE), et même plus, car nous n’avons pas encore les données des 25 derniers territoires qui ont été habilités et sont en cours de recrutement de salariés. La durée moyenne de chômage de ces personnes était de quatre ans et demi, et 25 % d’entre elles sont en situation de handicap. Ce résultat prouve que le chômage ne doit pas être considéré avec une vision macro, mais en prenant en compte des réalités et des vécus territoriaux qui ne sont pas tous les mêmes. D’autant que certaines personnes n’apparaissent même pas dans les statistiques, elles sont sorties de tous les viseurs…

L’un des freins potentiels était de voir émerger des activités concurrentielles portant préjudice aux entreprises locales. La concurrence ne pourrait-elle pas s’exercer aussi concernant une main-d’œuvre « captée » par les EBE, dans un contexte de tension sur le marché de l’emploi ?

J’ai eu cette discussion avec le président du Medef récemment : les entreprises reconnaissent que les EBE prennent des personnes qu’elles n’auraient sans doute pas embauchées en direct, il y a donc complémentarité et même création possible d’emplois. Exemple à Thiers, où l’activité couture avait été délocalisée en Chine, et qui est aujourd’hui redynamisée grâce à l’EBE. Cela fonctionne. Dans un autre territoire, un système de transport d’un apprenti boulanger vers son lieu de travail a été organisé… C’est de forte utilité à la fois pour le jeune et l’entreprise : si le boulanger en question n’avait pas réussi à intégrer son apprenti, son chiffre d’affaires ne se serait pas développé… De plus, parmi ces personnes, certaines trouvent un emploi dans des entreprises classiques, notamment grâce à la formation et au plan de développement des compétences dans les EBE. Le souci est qu’en France, les modèles d’évaluation ne considèrent pas les externalités positives. Nous demandons à ce qu’un protocole de recherche adapté soit élaboré et d’y être associés, pour bien savoir ce qui est évalué. Nous n’avons pas été écoutés sur cette demande pour le moment, même si le ministre du Travail, Olivier Dussopt, que j’ai rencontré récemment, a dit qu’il étudierait la question.

Auteur

  • Dominique Perez