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Tout travail mérite (hausse de) salaire

Chroniques | publié le : 19.09.2022 |

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Tout travail mérite (hausse de) salaire

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Par Gilles Gateau directeur général de l’Apec

On l’avait oubliée, les jeunes ne l’ont jamais connue… mais la revoilà : l’inflation ! Sur fond de désordres internationaux et de crise énergétique, la hausse des prix, 5,8 % en rythme annuel, atteint des niveaux inconnus depuis plus de 30 ans !

Je suis d’une génération qui a fait ses études d’économie au temps d’une inflation à deux chiffres, où l’on se perdait en conjectures devant la courbe de Phillips, censée garantir une relation négative entre taux d’inflation et taux de chômage (alors lui aussi à deux chiffres !). Aujourd’hui, c’est une autre relation qui laisse les économistes perplexes : celle qui, dans la théorie, relie productivité, croissance et emploi – ou comment pouvons-nous créer autant d’emplois avec une croissance aussi faible ? Alors que la croissance moyenne du PIB des trois dernières années est la plus faible depuis l’après-guerre, les créations d’emploi sur la même période sont proches d’un record historique ! Beaux sujets de recherche et de colloques… mais pour les ménages comme pour les entreprises, la hausse des prix est tout sauf un sujet théorique ! Comment vont-ils y faire face ?

D’abord, évidemment, avec des revendications salariales. C’est le cas du côté des cadres : 46 % d’entre eux ont vu leur rémunération croître en 2021, mais ce n’est là que le retour au taux d’avant-crise. Mi-2022, nous sommes déjà à 48 %, et l’automne verra cette proportion monter encore comme jamais. Même si tous n’auront pas satisfaction, 43 % des cadres déclarent avoir l’intention de demander une augmentation d’ici la fin de l’année.

Ce mouvement va se poursuivre, voire s’accélérer, pour plusieurs raisons. D’abord, parce que, contrairement à ce que l’on peut parfois entendre, les cadres ne sont pas une population « à part » : comme tous les salariés, la question du pouvoir d’achat est devenue l’une de leurs préoccupations principales, avec une insatisfaction allant croissant quant à la fiche de paie. D’ailleurs – fait inédit –, une majorité de cadres souhaitent désormais que les augmentations face à la hausse du coût de la vie soient collectives et non plus individuelles.

Le second facteur qui pousse à la hausse les rémunérations, c’est évidemment les tensions sur les recrutements. Elles n’ont jamais été aussi fortes : 84 % des entreprises anticipent des difficultés pour embaucher au 3e trimestre. Dans ce contexte, les candidats et candidates vont devenir encore plus exigeants, soit pour rester en poste ou pour accepter un nouvel emploi, avec pour les entreprises un risque accru de turn-over et de fuite des talents.

Et du côté des entreprises, que faire ?

En premier lieu : fidéliser, sachant qu’un puissant levier de motivation et donc d’attachement à l’entreprise reste le salaire. Il est donc nécessaire d’adopter des politiques salariales plus volontaristes, en prenant l’initiative plutôt qu’en attendant le conflit ou la démission. Une politique de rémunération qui aura forcément un coût économique… mais le conflit ou les démissions en ont un aussi ! À ces augmentations salariales doit impérativement s’ajouter un travail sur la mobilité interne, dans une gestion prévisionnelle qui valorise les équipes et permet d’anticiper l’évolution des métiers et des compétences.

Deuxièmement, les entreprises devraient faire évoluer leurs modalités de recrutement, notamment en affichant clairement les rémunérations offertes dans leurs offres d’emploi. Les TPE-PME, souvent moins-disantes sur le salaire, ont d’autres atouts à valoriser en matière d’attractivité, en répondant aux attentes sur de nouvelles formes d’organisation du travail, comme le travail hybride, par exemple. Ceci peut constituer un plus qui fait la différence. Car ce qui vaut pour chacun vaut aussi pour les cadres : l’argent fait beaucoup, mais l’argent – et heureusement – ne fait pas tout.