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Compétences : Les formations maison, une solution à la pénurie de main-d’œuvre

Le point sur | publié le : 12.09.2022 | Irène Lopez

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Compétences : Les formations maison, une solution à la pénurie de main-d’œuvre

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Selon la Dares, 368 100 emplois étaient vacants au 1er trimestre 2022. Pour recruter, de plus en plus d’entreprises créent leurs propres filières de formation. Les DRH testent diverses formules : école interne, partenariat avec une association et CFA.

Parmi ces entreprises qui viennent de se lancer dans l’aventure du centre de formation d’apprentis d’entreprise (CFA) figure Decathlon qui promet, à l’issue de la formation, un diplôme certifiant d’employé technicien vendeur en matériel de sport et un CDI. Les seuls prérequis affichés sur le site de l’équipementier en sport sont : savoir lire, écrire et compter, partager les valeurs de Decathlon et du sport et avoir entre 16 et 29 ans (au-delà si la personne est en situation de handicap, sportif de haut niveau ou en création/reprise d’entreprise). En février 2021, Nexity a ouvert le sien, dévolu aux métiers de l’immobilier. Le CFA « Les apprentis de l’immobilier » forme à deux métiers particulièrement en tension : conseiller commercial immobilier et développeur foncier. Quant à Engie, elle a lancé, dès novembre 2020, son « académie des métiers de la transition énergétique et climatique », pour former, en deux ans, des techniciens aux métiers d’avenir dans les domaines de la maintenance des réseaux de chaud et de froid, des solutions industrielles d’efficacité énergétique et des énergies renouvelables. Le groupe propose ainsi trois cursus diplômants de deux ans en alternance au sein de l’une de ses entités : bac pro Technicien de maintenance des systèmes énergétiques et climatiques, bac pro Maintenance des équipements industriels et BTS Fluides énergies domotique, option Froid et conditionnement d’air. Le CFA d’Engie a pour objectif d’accueillir 400 apprentis à l’horizon 2024. Le fournisseur d’énergie mise sur l’embauche de 50 % de ses alternants à l’issue de leur cursus. Enfin, le CFA Recruter autrement, lancé en septembre 2019 par Adecco, a pour but de « créer une véritable filière d’excellence sur les métiers du recrutement » et de « développer une nouvelle approche du recrutement ». Il permet d’obtenir, à la fin de la formation, un titre de niveau bac + 4 : « Chargé de recrutement » et également un emploi. Recrutés sans CV, les premiers alternants de ce CFA étaient issus d’horizons divers (communication, management, RH…), avec ou sans première expérience professionnelle. Ils ont suivi des formations de niveaux différents. Adecco s’est également associé à Accor, Korian et Sodexo pour lancer, en 2020, un CFA commun pour les métiers de la cuisine et de la restauration, le CFA des Chefs.

Le CFA séduit les entreprises. Non seulement parce que la formule a profité de la loi de 2018 libéralisant le marché de l’apprentissage, mais aussi parce qu’elle a fait ses preuves.

Cursus sur mesure

Les DRH vantent la construction de cursus sur mesure, mieux adaptés aux besoins en termes de contenu ou de calendrier. Précurseur, Bouygues Construction avait ouvert le centre Gustave-Eiffel (à Chilly-Mazarin, dans l’Essonne) dès 1997. La structure compte aujourd’hui 33 sections d’alternance, du CAP au bac + 5, totalisant 460 alternants dans les métiers du bâtiment, des travaux publics et de l’énergie.

Si les formations préparent aux diplômes de l’éducation nationale en respectant les référentiels de formation, les programmes peuvent être ajustés à la marge au regard de la culture et des enjeux auxquels sont confrontées les entreprises. Grand Paris oblige, Bouygues Construction a renforcé son module sur les travaux souterrains de son BTS Travaux publics. Pour créer une formation maison, d’autres méthodes existent, comme celle de faire front commun avec une association. C’est le cas du groupe hôtelier Hyatt, qui a mis en œuvre un partenariat avec Les Déterminés, une association développant l’insertion professionnelle de jeunes éloignés de l’emploi. Alors que, selon les responsables d’Hyatt, 360 000 postes sont toujours à pourvoir dans le domaine de l’hôtellerie et de la restauration, chaque année, en France, pas moins de 100 000 jeunes en moyenne quittent le système scolaire sans diplôme, d’après Les Déterminés. Ensemble, ils ont conçu le programme « Rise High » (« s’élever »), qui permet à de jeunes décrocheurs d’être coachés, formés et accompagnés pour des compétences sociales et techniques essentielles et de débuter une carrière après avoir décroché un contrat dans l’un des hôtels ou palaces de l’enseigne. Le dispositif va permettre à 50 jeunes « NEETs » (« Not in Education, Employment or Training », « sans emploi, ni formation ») de reprendre confiance en eux, de se former et de se voir proposer un emploi à l’issue de dix mois d’une formation sur-mesure qui se déroule en deux parties : la première est consacrée aux soft skills et à des enseignements de base associant l’apprentissage numérique et linguistique – des compétences nécessaires à leur intégration sur le marché du travail. La seconde leur permettra de suivre une formation professionnalisante avant l’obtention d’un contrat dans l’un des hôtels Hyatt en France. Une 1re promotion de 15 jeunes a pris forme au début 2022. Ils sont à l’œuvre depuis le 24 janvier, principalement dans les hôtels de la région parisienne, notamment au sein du Hyatt Regency Paris étoile et du palace Park Hyatt Paris Vendôme.

Retour à l’école

Qui l’eût cru ? Capgemini, l’un des poids lourds français du conseil et des services de la transformation numérique, peine aussi à recruter. En effet, 65 % à 70 % des jeunes diplômés d’écoles d’ingénieurs et de grandes écoles de commerce privilégient les start-up et des sociétés comme Google, Thales, Dassault, Safran… L’entreprise a donc décidé de former elle-même ses futures recrues et a créé L’École by Capgemini. Sont concernés de jeunes diplômés et des ingénieurs retenus selon leur potentiel, leur posture, leurs appétences… L’enseignement, accompagné par des professionnels experts, a pour thèmes l’industrie 4.0, le cloud, la digitalisation des fonctions finance et RH ou l’intelligence artificielle. Il dure quatre mois. L’investissement est si élevé pour l’entreprise (selon le service de communication) qu’en contrepartie, les personnes formées s’engagent à y rester 24 mois… Quelque 400 stagiaires étaient inscrits à L’École en 2021.

Les entreprises prennent donc à bras-le-corps le manque de main-d’œuvre en créant leur propre formation, ouvrant ainsi leur porte à des candidats différents. Et si c’était là un effet vertueux de la pénurie de talents ?

Auteur

  • Irène Lopez