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Éclairage juridique avec Anastasia Fleury : « Je conseille d’abord une phase d’expérimentation de six mois »

À retenir | publié le : 12.09.2022 | L. Z

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Éclairage juridique avec Anastasia Fleury : « Je conseille d’abord une phase d’expérimentation de six mois »

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Counsel au cabinet d’avocats Moncey, cette spécialiste du droit du travail donne la marche à suivre pour mettre en œuvre la semaine de quatre jours.

Droit du travail

« Le droit du travail permet tout à fait de mettre en œuvre la semaine de quatre jours, par le biais d’un accord d’entreprise, à l’issue de discussions et négociations qui doivent avoir lieu selon l’effectif de l’entreprise entre direction et syndicats, le CSE ou directement avec les salariés (par référendum). Mais si certaines entreprises, en France, semblent réticentes pour l’instant, c’est qu’il existe des écueils, qui peuvent être levés à condition de les anticiper et de faire figurer les modes d’application dans l’accord-cadre. »

Nouer un accord d’entreprise

« Avant même que la négociation ait lieu en vue de nouer un accord d’entreprise, les partenaires doivent se poser une première question : quels sont les objectifs poursuivis dans la mise en place d’une semaine de quatre jours ? Des réponses précises doivent être apportées, aussi bien en termes de bien-être des salariés que de rentabilité attendue. Les premières expérimentations, un peu partout dans le monde, font ressortir une neutralité en ce qui concerne les activités productives, voire un petit plus, et des avantages en matière de bien-être des collaborateurs, en particulier à la faveur de week-ends de trois jours. Cela dit, nous n’avons encore que peu de recul. Toujours est-il que des dérives sont possibles, si le nouveau dispositif induit davantage de stress pour accomplir les mêmes tâches, mais en moins de temps, par exemple. Nous le voyons avec des salariés, en majorité des femmes, qui demandent un temps partiel, à l’occasion de l’arrivée d’un enfant, entre autres, et qui doivent, dans les faits, réaliser un plein-temps… À l’heure de la recrudescence des risques psychosociaux, du harcèlement et de la surcharge de travail dont se plaignent en particulier les cadres, mieux vaut ne pas se lancer à la légère. Quoi qu’il en soit, je conseille d’abord une phase d’expérimentation de six mois, pour ensuite tirer un bilan et poursuivre ou non, en fonction de résultats probants sur les résultats de l’entreprise et la santé des salariés. »

Actions des DRH

« Autre élément à faire figurer dans l’accord d’entreprise, la manière avec laquelle ces objectifs seront atteints. S’agit-il de maintenir les 35 heures par semaine et de les condenser sur quatre jours ? S’agit-il de passer à 32 heures payées 35 ? En outre, les accords devront indiquer qui définit le fonctionnement et le planning (jour off identique, ou non, pour tout le monde). Un travail de réflexion entre les RH, les managers et les équipes est nécessaire, afin de s’entendre sur comment le système fonctionne afin de le fluidifier au quotidien. Et bien sûr, l’accord d’entreprise devra impérativement rappeler les normes de travail, notamment sur le respect des durées maximales quotidiennes et hebdomadaires… Si cette initiative peut incarner des relations de confiance dans l’entreprise, elle demande également beaucoup de travail d’organisation et de vigilance de la part des équipes RH. »

Attention aux divers statuts

« Si la réflexion sur ce sujet émerge actuellement dans les entreprises, grâce, notamment, aux évolutions dans les modes de travail depuis la crise Covid et aux diverses expériences menées sur ce sujet dans plusieurs pays, je ne suis pas sûre que la semaine de quatre jours puisse être appliquée à toutes les entreprises, ni à toutes les catégories de salariés. Clairement, la semaine de quatre jours semble plus adaptée aux salariés qui sont soumis à la durée collective de travail (35 heures) et à ceux qui font davantage de présentiel que de télétravail. En outre, dans certains cas, comme celui des cadres en forfait jours – à 218 ou 216 jours par an – que voudrait dire une semaine de quatre jours pour ces profils ? Ils ont déjà une certaine autonomie dans la gestion de leur temps. Même si la notion de semaine de quatre jours n’est pas forcément antithétique avec le forfait jour, il reste à savoir, au sein d’un accord, comme les deux choses pourraient s’imbriquer.

Auteur

  • L. Z