logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Le point sur

Intelligence collective : Des salariés de plus en plus sensibilisés

Le point sur | publié le : 05.09.2022 | Lucie Tanneau

Image

Intelligence collective : Des salariés de plus en plus sensibilisés

Crédit photo

De plus en plus de responsables RSE, de dirigeants ou de salariés décident d’organiser des Fresques du climat au sein de leur organisation. Ce jeu de sensibilisation permet de comprendre les causes et conséquences du changement climatique. En vue d’agir pour le contrer, évidemment !

Mieux appréhender l’impact du changement climatique – pour mieux le combattre. C’est le but que s’est donné Cédric Ringenbach, à l’aide de 42 cartes à jouer, que les participants aux ateliers classent pour former une frise des causes jusqu’aux conséquences, afin de dégager ensuite des solutions pour agir, le tout de façon ludique et grâce à l’intelligence collective. Ingénieur, conférencier, directeur du Shift Project de 2010 à 2016 et consultant en transition énergétique, il a inventé ce jeu, qui s’appuie sur les rapports du GIEC, et fondé La Fresque du climat.

Depuis 2015, le dispositif a déjà touché le grand public. Et aujourd’hui, les demandes explosent, en particulier de la part des entreprises. « Nous sommes à 25 demandes par jour en ce moment », comptabilise Thomas Dayraud, chargé des entreprises pour l’association La Fresque du climat, qui salarie aujourd’hui 17 personnes, dont huit destinées à répondre aux sociétés publiques, privées et aux collectivités. Il y a six mois, 25 des 40 entreprises du CAC 40 avaient déjà organisé un atelier. « Nous sommes sûrement à 100 % aujourd’hui », évalue Thomas Dayraud. Impossible d’avoir des chiffres précis sur le nombre d’entreprises « fresquées », cependant, puisque l’utilisation du jeu est libre et gratuite et, inspiré du Parti pirate suédois, le fonctionnement de l’association est décentralisé et participatif. Toutefois, un système de droits (royalties de 3 euros par participant en entreprise) permet de calculer que 450 000 personnes au minimum ont déjà participé à une Fresque depuis 2018, « dont plus de 100 000 salariés », estime Thomas Dayraud. De même, en entreprise, les ateliers Fresque sont facturés aux alentours de 1 500 euros les trois heures pour un animateur (soit deux tables de huit personnes). Avec des variations selon le travail préparatoire demandé, le secteur, le débriefing organisé… Partout en France, des animateurs sont aussi formés. Ils seraient plus de 5 000 aujourd’hui. Ils peuvent ainsi intervenir ou former à leur tour des relais en entreprise, et notamment les responsables RSE. La demande vient aussi de l’international. Le Royaume-Uni, la Suisse et l’Espagne sont notamment très demandeurs de ce jeu, déjà traduit dans 25 langues et joué dans plus de 40 pays.

Acteurs des solutions

Et de plus en plus de Fresques du climat sont organisées directement par l’association nationale ou par des animateurs, qui organisent des sensibilisations de leur propre chef. Parmi eux, Arnaud Marec sensibilise régulièrement les salariés en entreprise. Formé lui-même en 2019 à la suite d’une « prise de conscience personnelle », dit-il, cet ancien responsable marketing dans l’industrie a animé des jeux dans une cinquantaine d’entreprises, multinationales comme PME. « Beaucoup de gens ont conscience des problèmes climatiques, mais de là à faire le lien avec leur empreinte carbone, il y a un pas », remarque-t-il. Le jeu vise à combler ce fossé, en permettant « à un large public, du codir aux opérateurs, de comprendre la chaîne de causalité des activités humaines jusqu’au phénomène climatique et au système terrestre », explique-t-il, pour ajouter : « Plus que le jeu, le débriefing permet d’aller plus loin. Si j’interviens dans une entreprise du bâtiment, je vais ainsi me concentrer sur les trajectoires possibles pour décarboner le secteur. » Alors que certains regrettent que le jeu ne propose pas de solutions au problème climatique, ce fresqueur défend, lui, une discussion ouverte, pendant le débriefing, pour que les participants prennent conscience qu’ils sont acteurs des diverses solutions à mettre en œuvre.

« L’entreprise est un bon levier pour toucher des gens qui ne seraient pas spontanément venus vers nous », ajoute Thomas Dayraud, de La Fresque du climat. « Le but était, historiquement, de toucher le grand public, mais des organisations, via des responsables du développement durable, RSE ou directement des comex, viennent vers nous. Ils veulent faire le bilan de leur activité et pensent que la Fresque est un bon moyen de faire comprendre à leurs équipes pourquoi il est nécessaire de passer à l’action, le tout en trois heures de jeu », note-t-il.

Un outil extraordinaire

Parmi les entreprises, EDF fait partie de celles qui sont très engagées dans le projet. « C’est un outil extraordinaire : nous avons décidé de le déployer pour l’ensemble de nos collaborateurs, soit 167 000 salariés », s’enthousiasme Carine de Boissezon. La directrice Impact du groupe se souvient de son propre « réveil écologique », en 2019, en assistant à une Fresque à l’ESCP. « Ce jeu, qui traduit les milliers de pages du rapport du GIEC, un rapport complexe qui n’est pas forcément compréhensible par le grand public, permet vraiment de rentrer dans le thème. Et chacun est inévitablement impacté après avoir joué avec la Fresque », résume-t-elle. En échangeant avec le fondateur de la Fresque, qui visait alors plutôt les ateliers dans les grandes écoles, elle pense que le jeu a aussi sa place en entreprise et l’incite à développer ce segment. « L’entreprise est un endroit vivant, qui rassemble beaucoup de profils très différents. Cet outil permet de mixer les personnes : je pense que c’est vraiment un outil de transformation intéressant », déclare-t-elle.

Quelque 40 000 salariés d’EDF ont déjà participé à une Fresque, depuis que deux membres du comex ont testé puis validé l’idée de Carine de Boissezon. Le programme, qui devait être lancé le 16 mars 2020 – jour de l’annonce du confinement – a finalement débuté à l’été 2020, en digital. Un format interne, validé par La Fresque, a été créé et certains salariés sont devenus « fresqueurs » dans le but d’animer des séances de sensibilisation. « Le jeu de la Fresque est neutre vis-à-vis des technologies. Il ne parle pas de telle ou telle énergie. Mais du fait que le climat est un risque majeur et que notre entreprise est le plus grand producteur d’électricité sans émissions directes de CO2, l’enjeu, pour nous, est de mettre tous nos salariés au même niveau de connaissance, pour ensuite développer notre stratégie d’entreprise », résume Carine de Boissezon qui rejette l’accusation de greenwashing, vite dégainée contre les entreprises. « Nous ne pouvons pas ignorer les impacts du changement climatique, il faut mettre le sujet sur la table pour passer à l’action », tranche-t-elle. Elle reconnaît qu’il sera de plus en plus difficile d’aller chercher les salariés les plus réfractaires, mais les séminaires et les réunions d’équipe permettent au moins de toucher des populations différentes et mélangées. En outre, depuis la crise sanitaire, le format digital permet d’élargir le cercle géographique. « Ce n’était pas du tout notre but, mais pour sensibiliser des équipes internationales en simultané, ce format est super », précise Thomas Dayraud.

Parmi les entreprises, Orange, Airbus, Vinci, Bouygues, Eiffage, Decathlon, la Société Générale, le Crédit Mutuel… ont commandé des ateliers. « Les secteurs du bâtiment, de l’aéronautique et de l’aérien sont aussi demandeurs », relève Thomas Dayraud. En revanche, le monde du luxe serait moins motivé… « L’idée est de se dire qu’une mise en mouvement est possible lorsque chacun comprend les causes et les enjeux », poursuit-il. D’autres Fresques ont été créées sur le modèle initial, qui peuvent permettre d’aller plus loin (Fresque de la biodiversité, du numérique…) selon le secteur de l’entreprise.

Auteur

  • Lucie Tanneau