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Démissionner…

Chroniques | publié le : 05.09.2022 | Yvan William

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Yvan William : La chronique juridique

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La chronique juridique d'Yvan William

Dimissio : envoi en congé, licenciement (dictionnaire français-latin de F. Gaffiot, 1934). De l’étymologie latine aux définitions modernes, la notion de démission semble bien ambivalente dans la langue française. La démission répond tour à tour à une expression positive de volonté, à une contrainte (on l’a démissionné) et plus familièrement au renoncement.

La grande démission serait l’un des maux de cette période et les remèdes à trouver l’un des sujets de la rentrée. Les chiffres ont en effet de quoi interpeller. Du 4e trimestre 2020 au 1er trimestre 2022, la France a enregistré une augmentation élevée et continue du nombre de démissions. Bien qu’il y ait eu des précédents (2008), cette envolée n’est pas anodine.

La perte de repères et de motivation post-Covid n’explique pas tout.

Les évolutions légales et jurisprudentielles n’en constituent pas l’origine, mais elles ont facilité ce mouvement. Il peut être intéressant de revenir, dans ce contexte, sur le statut actuel du salarié démissionnaire.

Conditions

La démission doit nécessairement procéder d’une volonté claire et non équivoque du salarié de rompre son contrat de travail de sa seule initiative.

La demande de requalification a posteriori d’une démission en licenciement abusif alimente un abondant contentieux. Il se noue autour de la question de l’intention et du contexte. Vieille antienne du droit du travail français selon laquelle le salarié doit être protégé face au pouvoir de l’employeur.

En matière de démission, il est vrai que cette protection fait sens. Les démissions « forcées » pour des raisons d’économie ou pour éluder procédure et conséquences financières d’un licenciement existent.

Les situations de « harcèlement démissionnaire » évoquées par des salariés poussés à la démission afin de se protéger de pratiques harcelantes en témoignent également. Dans ces cas, les salariés disposent d’un recours judiciaire pour faire requalifier la démission en licenciement abusif.

Bien que la rupture conventionnelle ait contribué à déjudiciariser ce type de situations, elles existent encore…

La demande en requalification devra intervenir dans des délais brefs, à la suite de la lettre de démission (il a été jugé qu’un délai de deux mois n’était pas raisonnable). Si la démission est jugée équivoque et/ou que le consentement du salarié est en réalité vicié, le départ produira les effets d’un licenciement abusif.

Si les conséquences sont identiques (sanctions aux conditions d’un licenciement abusif), ces cas se distinguent de la prise d’acte où le salarié motive immédiatement et expressément la rupture de son contrat en raison des fautes de l’employeur.

Une rédaction ambivalente de la lettre de démission ou dans un contexte litigieux impose une réaction rapide et motivée de l’entreprise.

Démission et assurance chômage

La réglementation soumettait historiquement la prise en charge de la démission à la preuve d’un motif légitime.

Pôle emploi prévoit ainsi 17 motifs légitimes de démissions ouvrant droit à l’assurance chômage. Pour n’en citer qu’une partie : mariage ou Pacs accompagné d’un changement de lieu de résidence ; démission pour suivre son conjoint qui change de lieu de résidence pour exercer un nouvel emploi ; victime de violences conjugales imposant un changement de résidence ; démission d’un nouveau contrat avant que 65 jours travaillés se soient écoulés, à la suite d’un licenciement, d’une rupture conventionnelle ou d’une fin de CDD ; démission après trois années d’affiliation sans interruption, suivie d’un CDI auquel l’employeur met fin dans les 65 premiers jours travaillés ; échec dans la création ou la reprise d’une entreprise ; victime d’un acte délictueux dans le cadre du contrat de travail.

Afin de favoriser les transitions professionnelles, la loi « Avenir » a changé la donne. Après quatre mois, le salarié ayant démissionné pour un motif non légitime peut obtenir sa prise en charge. Il doit être porteur d’un projet de reconversion qui nécessite une formation ou une création/reprise d’entreprise pour être éligible. La démarche doit avoir été engagée avant la démission et avoir été accompagnée par un conseiller en évolution professionnelle. Le bénéficiaire doit justifier avoir travaillé en continu au moins 1 300 jours au cours des 60 derniers mois.

Pour conclure et à défaut de pouvoir apporter une réponse à ce phénomène emphatiquement appelé « grande démission », empruntons, une fois n’est pas coutume, les paroles d’un avocat devenu homme d’Église : « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit. » (Henri Lacordaire, 1848).

Auteur

  • Yvan William