logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Chroniques

Jean Pralong : L’expertise du Lab RH

Chroniques | publié le : 05.09.2022 | Jean Pralong

Image

Jean Pralong : L’expertise du Lab RH

Crédit photo

 

Les contraintes actuelles tendent à biaiser les objectifs du recrutement : le process plutôt que les résultats, la rapidité plutôt que la qualité, la promesse plutôt que la performance réelle.

Quelles que soient les perspectives économiques, un grand recrutement est en cours. Les entreprises chassent des candidats partout ou presque, les cabinets sont en surchauffe et les recruteurs s’épuisent. On ne pourrait que se réjouir de cette embellie – si la tâche ne semblait pas si pénible… Or justement, recruter semble n’avoir jamais été aussi difficile. Un constat qui s’appuie sur une simple logique : plus de postes ouverts, c’est moins de choix parmi les candidats. Et moins de chômage, c’est moins de candidats disponibles… Certes, les difficultés des recruteurs ont une origine démographique. Notre pays compte 10 % d’actifs de moins que les pays dont les besoins économiques sont comparables. Mais ce n’est pas de la rareté des candidats dont se plaignent les recruteurs, ce serait plutôt de leurs comportements. Les coupables ne manquent pas : la faute aux « nouvelles générations » pour les jeunes, la faute aux boomers pour les vieux ou, entre autres, la faute au télétravail pour tous. Quant aux candidats, ils sont nombreux à se plaindre de recruteurs trop pressés, insuffisamment à l’écoute ou trop enclins à laisser dans l’ombre quelques réalités du poste à pourvoir.

C’est donc autant du côté de la démographie que des pratiques que les frictions apparaissent. Et, puisqu’il sera difficile de résoudre rapidement les premières, concentrons-nous sur les secondes.

Il y a donc des irritations entre les candidats et les recruteurs. Pour les économistes, c’est finalement assez normal. La situation de recrutement commence par une double incertitude. Les parcours sont tous porteurs de réussites et d’échecs. Le but du candidat est d’en dire suffisamment, sans tout dévoiler. Les postes à pourvoir ne sont jamais des vallées de roses. Idem, donc, pour le recruteur : tout dire de l’entreprise, du manager ou des missions serait trop dire. Ainsi commence la relation : une valse incertaine dont les deux protagonistes savent que ce qui est dit compte moins que ce qui est maintenu dans l’ombre.

La guerre des talents et les métaphores belliqueuses, qui ajoutent une contrainte de rapidité, invitent à regarder le recrutement comme un raid éclair. La question de fond demeure : quel candidat a les meilleures chances de vraiment réussir ? Mais elle tend à être remplacée par des dérivées : quel candidat a le meilleur CV ? Quel candidat a été « bon » en entretien ? Ces contraintes tendent à biaiser les objectifs du recrutement : le process plutôt que les résultats, la rapidité plutôt que la qualité, la promesse plutôt que la performance réelle. Mais le problème va au-delà. Faute de se donner le temps et les moyens d’une interconnaissance sincère, on mobilise des critères qui relèvent du jugement social plutôt que de l’évaluation objective. Le meilleur CV, la meilleure école ou le meilleur comportement en entretien prédisent peut-être l’acceptabilité d’un candidat par un manager. Ils ne prédisent pas la performance dans le poste. Et, surtout, ils font du recruteur le gardien de normes sociales plutôt qu’un expert de la performance au travail. Voilà, sans doute, de quoi se plaignent réellement les candidats.

Auteur

  • Jean Pralong