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Une « grande démission » peut en cacher une autre…

Chroniques | publié le : 25.07.2022 |

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Une « grande démission » peut en cacher une autre…

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Gilles Gateau Directeur général de l’Apec

La « grande démission » venue des États-Unis fait jaser. Où sont passés tous ces travailleurs qui ont quitté leur job ? Pourquoi une telle vague ? La France est-elle aussi touchée ?

Sur cette dernière question, j’ai déjà partagé mon analyse s’agissant du marché des cadres : plus qu’une « grande démission » qui se traduirait par une explosion des ruptures de CDI – que l’on n’observe pas au même niveau chez nous –, nous sommes confrontés à une « grande aspiration au changement », particulièrement chez les moins de 35 ans.

Les ressorts de cette aspiration sont multiples : l’expérience singulière de la pandémie et de ses confinements successifs, propices aux remises en cause, les opportunités nouvelles offertes par le télétravail pour vivre loin des métropoles, mais aussi une quête de sens qui vient désormais au même rang que les prétentions salariales. Autant de raisons pour les entreprises qui veulent conserver leurs compétences – et celles qui veulent en attirer de nouvelles – de réinterroger leurs politiques RH, le management, la raison d’être…

Mais de l’aspiration au changement à la démission, il y a un grand pas, dont les consultants de l’Apec qui accompagnent ces projets au quotidien mesurent l’ampleur. Si les cadres sont plus nombreux qu’il y a 18 mois à considérer le changement d’entreprise comme une opportunité (56 % versus 41 % début 2021), il en reste une petite moitié à considérer que c’est davantage un risque. Si près de quatre cadres sur dix envisagent de mener des démarches actives pour changer d’entreprise dans les douze mois, ils ne seront pas aussi nombreux à passer à l’acte…

Bonne nouvelle pour les entreprises ? Sans doute… mais attention : une « grande démission » peut en cacher une autre, plus sournoise et non moins risquée ! Une forme de « démission » sans rupture du contrat de travail, un désengagement, un mal-être au travail, une présence (physique) qui est aussi une forme d’absence (cérébrale). Ce n’est pas un burn-out, comme lorsqu’on s’arrête parce que l’épuisement psychique ou physique est trop fort. Un mot est là déjà pour le désigner : « brown-out ». On ne s’arrête pas, mais il y a une dégradation de l’investissement quotidien. Pour dire les choses plus simplement, on vient au travail, mais « on n’a plus le goût ».

Les causes ne semblent pas si différentes que celles évoquées plus haut, la frustration en plus : l’effet crise sanitaire, avec un affaiblissement des liens sociaux au travail, mais aussi la crise de sens. Une crise que l’on s’efforce de plus en plus de quantifier. Et les chiffres ne sont pas rassurants : dans une enquête Apec de juin, 42 % des cadres estiment que les tâches effectuées au travail ne leur permettent pas de s’accomplir professionnellement. Pour les moins de 35 ans, c’est 50 % ! S’agissant de ces mêmes jeunes, 35 % déclarent que leur travail va souvent à l’encontre de leurs convictions personnelles, 57 % ressentent souvent de l’ennui et 64 % de la démotivation…

Le monde de l’entreprise – qui n’est pas à l’écart de la société et de ses doutes – est traversé par ces immenses interrogations existentielles.

Les entreprises devront de plus en plus apporter des réponses, pas seulement pour garder leurs salariés, mais pour répondre à des aspirations qui changent pour toutes et tous, et se prémunir autant du risque de la démission que de celui du désengagement. Les manageurs – encore une fois – seront en première ligne, comme les RH, pour réengager les équipes. Le combat contre le brown-out passera également par les évolutions professionnelles : les jeunes salariés cauchemardent à l’idée d’une carrière rectiligne dans une même entreprise – le rêve de leurs aînés… Ils aspirent à ce que leur vie reste une aventure autant qu’à une qualité de vie au travail et un équilibre avec leur vie personnelle et familiale.

De beaux chantiers… qui méritent bien de reprendre quelques forces cet été !