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Sur le terrain

Formation : Le Greta et Pôle emploi travaillent pour la maroquinerie de luxe

Sur le terrain | publié le : 18.07.2022 | Lucie Tanneau

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Formation : Le Greta et Pôle emploi travaillent pour la maroquinerie de luxe

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En périphérie d’Angers, la Fabrique Andégave a besoin de piqueuses pour son usine de fabrication de sacs. Le Greta a créé spécialement une formation, financée dans le cadre d’une préparation opérationnelle à l’emploi de Pôle emploi. Reportage.

Le bâtiment n’est pas identifiable et la marque pour laquelle travaillent les salariées reste secrète. La Fabrique Andégave, une PME installée sur plusieurs sites du Maine-et-Loire, fabrique des sacs de luxe. Avec un savoir-faire artisanal et une expertise de pointe. Face à des difficultés de recrutement et alors que le taux de chômage dans la région est faible, son dirigeant, Jean-Yves Chatillon, s’est tourné vers le Greta, opérateur public de la formation. « Nous proposons déjà une formation en maroquinerie au sein du lycée de Segré. Mais pour cette entreprise, nous avons créé une formation sur mesure dans leurs propres locaux », déclare Tatiana Roger, la conseillère en formation professionnelle qui a monté ce dossier. La région Pays de la Loire met en effet en place depuis plusieurs années ces formations, financées par Pôle emploi ou les Opco. « Les entreprises proposent des opportunités d’emploi et le Greta construit les parcours pour répondre aux besoins du territoire », résume Tatiana Roger.

Cette nouvelle « préparation opérationnelle à l’emploi, parcours TPME » (POE) de piqueuse est financée par Pôle emploi. « Normalement, la durée ne dépasse pas 400 heures, mais pour la maroquinerie de luxe, qui demande un savoir-faire exceptionnel, nous avons obtenu une dérogation, à 672 heures, d’autant qu’il y a des débouchés d’emploi », ajoute-t-elle. Le Greta a créé le contenu de la formation, il met à disposition des machines et a recruté une formatrice qui s’est perfectionnée dans une autre usine de la Fabrique Andégave.

Démontrer ses capacités

Le parcours de recrutement s’est fait en plusieurs étapes. Une première réunion d’information a eu lieu dans les locaux de Pôle emploi. Les candidates intéressées ont ensuite passé des tests selon la méthode de recrutement par simulation (MRS), qui propose des exercices reproduisant par analogie le poste de travail et met les candidates en situation de démontrer concrètement leur capacité à tenir ce poste, sans tenir compte des diplômes ou de l’expérience. Enfin, celles qui ont passé ces tests avec succès ont été convoquées pour un entretien par Jean-Yves Chatillon. Deux groupes de douze ont déjà été formés. Le troisième vient d’être lancé. Les futures recrues ont donc découvert le bâtiment flambant neuf de l’usine, aéré et bien éclairé. Elles ont pu toucher les premiers cuirs nobles sur lesquels elles vont travailler (peaux de veau ou d’agneau), entendre le bruit des machines, tester au jour le jour les positions de travail. « La formation in situ est idéale, les stagiaires se projettent, testent l’ambiance de travail au cours de leur formation et acquièrent un premier niveau de compétences », relève Tatiana Roger, qui prépare déjà la quatrième session de recrutement. À l’issue de ces 672 heures, afin de devenir plus autonomes dans leur métier, les stagiaires sont embauchées en contrat de professionnalisation pour un an payé au Smic. « La POE nous permet d’être très ouverts dans les embauches », remarque Jean-Yves Chatillon. « Sans cela, nous ne pourrions pas ouvrir nos portes à des candidates sans expérience, venues de l’agroalimentaire, de la petite enfance, de l’agriculture…, dit-il. C’est un dispositif efficace pour obtenir des compétences, d’autant que les sacs que nous fabriquons – depuis la coupe jusqu’au bichonnage – exigent 250 opérations. »

Finalité du travail

Pour la fabrication, artisanale, il souhaite en effet que ses piqueuses soient polyvalentes. « Nous ne proposons pas un travail à la chaîne, industriel, où chacune des opératrices ne fait qu’une ou deux tâches. Toutes connaissent l’ensemble du procédé de fabrication d’un sac : le schéma de formation doit forcément être long, poursuit-il. Le schéma industriel est plus simple à mettre en place, mais je crois qu’il est moins épanouissant pour les salariées qui ne voient pas la finalité de leur travail. » Il a également fait le choix de s’installer dans ce bâtiment proche de zones d’habitation, offrant aux salariées des temps de trajets réduits. Le secteur – et ses horaires (8 heures-16 heures) – attire de nombreuses commerçantes lassées de travailler le samedi, ou d’anciennes du secteur agroalimentaire, où les contraintes de bruit, de froid ou de port de charges sont plus fortes que dans l’industrie textile et maroquinerie.

Rachel Normand peut en témoigner. Elle fait partie de la deuxième promotion de POE. Elle commence actuellement son année de professionnalisation, ravie de cette reconversion professionnelle. À 43 ans, elle a démissionné de son emploi de vendeuse, moins polyvalent depuis la crise sanitaire, et pour lequel elle ne trouvait plus de sens. Et elle avait toujours rêvé de travailler de ses mains. « Au fur et à mesure de la formation, on sait vraiment dans quoi l’on se lance et c’est très appréciable », dit-elle. Elle n’habite qu’à 12 km de l’usine et fait du covoiturage avec d’autres piqueuses. « On a aussi la chance de se former avec nos futures collègues et dans notre groupe, on s’est toutes bien entendues, c’est aussi rassurant pour la suite », sourit-elle, attablée devant la machine de coupe. Couturière amateure, elle n’avait pas d’expérience dans la maroquinerie et apprécie que son employeur lui donne sa chance. Autour d’elle, une ancienne coiffeuse, une autre piqueuse venue du commerce, deux du secteur de la maroquinerie… Les profils sont variés, mais la formation permet une première remise à niveau.

« Ce métier demande de l’énergie mentale : nous sommes jugées en permanence, car les sacs doivent être parfaits, sans aucun défaut », précise Marielle Fauri, la responsable d’équipe, diplômée de psychosociologie et reconvertie sur le tard, comme elle le dit. Elle est dans l’entreprise depuis six ans. Et compte bien y rester tant elle s’épanouit dans son travail.

Auteur

  • Lucie Tanneau