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La protection sociale en proie au libéralisme

Les clés | À lire | publié le : 18.07.2022 | Lydie Colders

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La protection sociale en proie au libéralisme

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Dans « Le système français de la protection sociale », des sociologues et des économistes montrent l’influence du néolibéralisme. La baisse du coût du travail et sa fiscalisation au détriment des cotisations menacent la solidarité du modèle français…

Le coût du travail est-il insoutenable ? Dépense-t-on réellement trop en prestations sociales ? Non, répondent le sociologue Jean-Claude Barbier et les économistes Bruno Théret et Michaël Zemmour. La France a certes un haut niveau de socialisation des dépenses de protection sociale, « mais le système est soutenable politiquement et économiquement », assurent-ils. Si les dépenses sociales étaient de 33 % du PIB en 2018, « la France ne consacre pas un tiers de ses revenus à la protection sociale ». Les transferts en espèces (chômage, retraite) « sont une opération de répartition ». Dans ce livre clair, retraçant la protection sociale des années 1975 à nos jours, ils pointent un système sous tension, entre impulsion néolibérale et contraintes budgétaires de l’Union européenne. Dans l’esprit « de maîtrise des dépenses », face à des besoins pourtant en hausse (chômage, allongement de l’espérance de vie), les années de 1983 à 1988 ont marqué un tournant : graphiques à l’appui, les chercheurs montrent que les taux des cotisations sur les salaires, pilier de la Sécurité sociale, « sont quasiment gelés » depuis. Passant en revue les branches de la Sécurité sociale, ils illustrent une tendance dangereuse vers « plus de fiscalisation et d’étatisation », comme la substitution progressive d’une partie des cotisations salariales (maladie, famille, chômage) par la CSG.

Dans ce tour de piste, les auteurs sont critiques sur la baisse du coût du travail, dogme des politiques emploi depuis les années 1990. Les exonérations « considérables » de cotisations d’employeurs sur les salaires, compensées « en partie » par d’autres recettes fiscales, sont « sans impact sur l’emploi », ou presque.

Dérives des incitations à l’emploi

Les vagues d’exonérations, d’abord centrées sur le salaire minimum, touchent « désormais trois quarts des salariés », jusqu’à 2,5 Smic. Cette politique coûteuse souffre « d’un effet d’aubaine trop important », pour un résultat « modeste ». Au passage, le livre étrille la réforme de l’assurance-chômage d’Emmanuel Macron : la logique d’étatisation (suppression des cotisations chômage au profit de la CSG), le durcissement des droits, « la baisse drastique » d’indemnisation annoncent « des dégâts en termes de pauvreté », au nom « de l’idéologie » de l’incitation à l’emploi, proche du libéralisme anglo-saxon. Du modèle bismarckien socialisant les risques et paritaire, « la pente du béveridgisme minimaliste », assurantiel et financé par l’impôt, « menace fortement le système », s’inquiètent-ils. Or la crise du Covid l’a montré : la protection sociale reste « un puissant facteur » de réduction des inégalités, notamment du travail.

Auteur

  • Lydie Colders