Tout en accroissant les risques sur la santé mentale des salariés, la pandémie a également contribué à en modifier la perception et à en favoriser la prévention au sein des entreprises, selon le cabinet ICAS.
Dans son « panorama de la santé mentale des salariés européens à l’épreuve de deux années de crise sanitaire », l’ICAS, organisation internationale spécialisée dans la prévention des risques psychosociaux, notamment avec son service « EAP » (employee assistance program) a présenté les résultats d’une étude réalisée dans six pays de l’Europe de l’Ouest, avec plus de 10 000 cas traités par an. Un accompagnement qui permet de réduire de 34 % les congés maladie en particulier, d’après l’ICAS. « Quand on parle de maladie mentale, on n’en est plus à penser au film “Vol au-dessus d’un nid de coucou”, déclare en préambule Mathieu Wilkens, responsable des services ICAS Europe de l’Ouest. Cependant, la santé mentale fait encore l’objet d’une certaine stigmatisation, entraînant des conséquences graves. La plupart des salariés malades dissimulent leurs difficultés, parce qu’ils ont peur d’être désavantagés. Seul un sur trois a recours à une aide médicale ou thérapeutique, poursuit-il, et les entreprises pensent trop souvent que ce n’est pas leur problème. »
La pandémie semble cependant avoir levé certaines barrières. Ainsi, au cours de l’année 2020, l’ICAS a été sursollicitée, en organisant plus de 100 % de conférences, webinaires et formations supplémentaires sur le sujet par rapport à l’année précédente. « Quelque 18 % des collaborateurs ont déclaré souffrir de problèmes psychiques graves en novembre 2020, lors de la deuxième vague de la pandémie », indique Mathieu Wilkens. Selon l’Organisation mondiale de la santé, la prévalence (nombre de cas de maladies enregistrées) a augmenté de 25 % au niveau mondial au cours de la première année de la pandémie.
La crise sanitaire a cependant vraisemblablement eu un autre effet à plus long terme. Le nombre d’appelants salariés a augmenté de 71 % sur les trois dernières années, mais a continué de progresser début 2022. « Mon hypothèse est que la pandémie elle-même n’est pas toujours la cause des problèmes de santé mentale, mais qu’elle les a révélés », avance Mathieu Wilkens. En permettant de mettre l’accent sur la santé mentale, la crise sanitaire a en quelque sorte libéré la parole et amène davantage de collaborateurs à exprimer leurs difficultés. Un mal pour un bien…
Autre indicateur inquiétant de la pandémie : les cas dits « suicidaires », qui n’ont heureusement pas conduit au passage à l’acte de la part des appelants. Ces derniers ont cependant été identifiés comme à risque par les consultants de l’ICAS. Or leur nombre a presque triplé en deux ans, et les deux tiers de ces cas sont directement liés au travail. « Près de la moitié des salariés ont travaillé plus de 40 heures par semaine en 2021 (+ 15 % par rapport à 2020), et les demandes d’aide psychologique pour surcharge ont plus que triplé au cours de ces dernières années auprès d’ICAS. Des indicateurs que les entreprises doivent prendre en compte, notamment par “le développement du leadership et du coaching pour les managers, qui deviennent essentiels” », souligne Mathieu Wilkens.