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QVT : Les congés illimités, nouvelle facette de l’autonomie des salariés

Tendances | publié le : 11.07.2022 | Lucie Tanneau

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QVT : Les congés illimités, nouvelle facette de l’autonomie des salariés

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Venus des États-Unis, les congés illimités arrivent en France. Mais pour que cette politique apporte des avantages en matière de qualité de vie, de fidélisation et de recrutement, encore faut-il que la culture d’entreprise, fondée sur la confiance envers les salariés, s’y prête…

Vacances « flexibles » chez Goldman Sachs, « illimitées » chez Indeed ou OpenClassrooms, « responsables » chez Golden Bees… Peu importe leur intitulé, ces politiques font parler d’elles. Même si elles restent relativement rares. Venues des États-Unis, de telles initiatives ont été prises ces dernières années dans le secteur de la tech, en particulier. Netflix et LinkedIn les ont adoptées. Reste qu’outre-Atlantique, les employeurs n’offrent souvent que 10 à 20 jours de congés payés par an, en fonction de l’ancienneté. Entre une poignée de jours de relâche et six mois de farniente offerts, il y a un pas. Qu’aucune entreprise ne franchit, d’ailleurs… Cela dit, même en France, les congés illimités arrivent doucement, et principalement dans quelques start-up. Pour Catherine Regeffe, la DRH de Golden Bees, une agence de marketing programmative, qui a mis en place une politique de congés « responsables » depuis septembre 2021, il s’agit d’affirmer que « les besoins en congé des salariés ne sont pas égaux. Il faut accepter que certains en nécessitent plus que d’autres », dit-elle. Mais des congés supplémentaires ne sont possibles que « lorsque les objectifs, communiqués longtemps à l’avance, ont été atteints, et en accord avec l’équipe, après une discussion saine », s’empresse-t-elle d’ajouter. L’entreprise a fait signer à ses 60 collaborateurs un avenant à leur contrat qui comprend désormais 25 jours de congés payés à utiliser en priorité et obligatoirement, auxquels s’ajoute un compteur, sans limite. Golden Bees a toutefois dû faire de la pédagogie, pour convaincre de la volonté saine et authentique de la direction, et renforcer ainsi le sentiment de confiance et de liberté des collaborateurs.

La société Indeed a également adopté les congés payés illimités depuis janvier 2016 pour ses 12 200 salariés à travers le monde. « En France, avec cinq semaines de congés payés et deux semaines de RTT par an, nous ne sommes pas les plus à plaindre. Mais ces congés payés illimités ont fait la différence dans d’autres pays, comme les États-Unis », déclare Charles Chantala, senior sales director. Et en fait, les collaborateurs ne prennent que de cinq à sept jours en plus en moyenne. « Clairement, la mise en place des congés payés illimités répond à un besoin croissant de la part des collaborateurs, mais il faut déjà bénéficier d’une culture d’entreprise solide pour qu’une telle initiative soit pérenne. Responsabilisation, autonomie et confiance sont les maîtres mots chez Indeed, ce qui a permis l’adoption de ce système, poursuit-il. Et des collaborateurs épanouis et engagés font plus que jamais la différence pour une organisation. »

Un outil RH de choix

De fait, la mise en œuvre de congés payés illimités est aussi un outil RH. « C’est certainement un moyen de fidélisation dans le sens où cela contribue au bien-être de nos collaborateurs et c’est une preuve par l’exemple de la confiance que nous leur faisons », relève ainsi Charles Chantala. « Nous cherchons les moyens d’attirer plus facilement des talents et de les fidéliser dans un marché de l’emploi de la tech qui se complexifie, affirme de son côté Catherine Regeffe. À cet égard, une réflexion sur les conditions de travail, incluant des congés supplémentaires, est nécessaire. » D’autant que « la pandémie a rebattu les cartes, intensifiant les besoins en flexibilité et la quête de sens professionnel », renchérit Charles Chantala, qui insiste cependant sur l’importance d’un changement de posture des managers, pour accompagner les salariés vers plus d’autonomie.

Les salariés, qui ont découvert de nouveaux modes de fonctionnement du fait de la crise sanitaire, sont en tout cas en demande de flexibilité. Les congés illimités pourraient satisfaire une partie de ce besoin. Ils nécessitent cependant une bonne préparation, notamment au niveau légal, avec des juristes, de même qu’en interne, pour éviter l’effet inverse. « Parler de congés illimités est faux », met en garde Catherine Regeffe. « L’entreprise ne peut pas permettre à tous de faire le tour du monde pendant six mois, dit-elle. Il faut avant tout travailler la relation de confiance entre le management et le collaborateur, sans cela, ce dernier va croire à du marketing RH et l’on risque de le perdre », précise-t-elle. Pour encourager le dispositif, elle a proposé une journée par mois à chaque collaborateur. En moyenne, huit jours supplémentaires ont été posés. « Pour ma part, je les utilise bien », sourit-elle, appréciant de prendre un week-end de trois jours chaque mois. « Quand on a un sentiment de liberté, ça enlève un poids », assure-t-elle.

Pression sur les salariés ?

Toutefois, les détracteurs des congés illimités reprochent à la mesure, en apparence alléchante, d’ajouter en fait une pression supplémentaire au salarié, qui devient désormais responsable de la gestion de son planning. « Alors que c’est le manager ou la DRH qui refusent normalement un congé lorsque l’activité est trop dense, souligne le psychologue du travail Sébastien Hof, sur le site de Welcome to the Jungle, avec ces nouveaux systèmes de congés, le salarié doit assumer, s’autocensurer ou travailler pendant ses congés, ce qui risque de faire de ces jours supplémentaires une variable d’ajustement. » Des entreprises ont d’ailleurs fait machine arrière en France. Pour éviter les écueils, les salariés de l’entreprise d’expertise comptable Anikop, qui se définit comme libérée, ont rédigé eux-mêmes une charte des congés illimités. Après deux ans de réflexion, elle a été adoptée début 2021, afin d’améliorer l’équilibre vie personnelle/vie professionnelle. « Chez nous, aujourd’hui, les salariés ne se posent plus la question des congés. S’ils en ont besoin, ils en prennent ! Par exemple, avant ce système, les collaborateurs ne posaient pas de jours en février ou à Pâques… Désormais, ils le font pour être avec leurs enfants. Honnêtement, disposer de cette liberté détend l’atmosphère et les relations », déclare ainsi Nicolas Perroud, le fondateur, sur le site Welcome to the Jungle. Et pour les jeunes collaborateurs, à qui les entreprises refusent encore souvent les congés la première année, la mesure pourrait faire la différence au moment de signer…

Auteur

  • Lucie Tanneau